Veni Vidi Vici de Daniel Hoesl et Julia Niemann
La famille Maynard mène une vie fastueuse et rêvée de milliardaires… en apparence. Le patriarche, Amon, a pour passion la chasse, mais ses proies favorites ne sont pas les animaux. Malgré des accusations de plus en plus nombreuses et précises, ce clan se pense totalement au-dessus des lois. Par Faustine Saint-Geniès.
Un cycliste à l’assaut d’une pente sur une route de montagne arborée ; l’effort physique est intense, la respiration du coureur saccadée. Soudain, un coup de feu fend le calme alentour. Le sportif est blessé. Il s’appuie sur la glissière de sécurité. Seconde détonation. Le cycliste s’écroule. Accident de chasse ? Balle perdue ? Règlement de compte ? Homicide ? Dès les toutes premières minutes, le ton est donné : le tueur commet son crime en plein jour, sans honte ni remords. Comme dans un bon épisode de Colombo, le film ne fait aucun mystère de l’identité du meurtrier. Pourtant, pas de détective dans cette histoire. Les autorités ne font rien pour retrouver le coupable, celui-ci n’étant autre qu’Amon Maynard, un milliardaire intouchable interprété par Laurence Rupp. Golden boy richissime et dénué de toute morale, il trompe l’ennui avec son passe-temps favori : la chasse. Incapable de faire du mal à un animal, il a jeté son dévolu sur les hommes.
Meurtres et capitalisme dérégulé
Si le thème de la chasse à l’homme est loin d’être nouveau au cinéma, Veni Vidi Vici tourne le dos au thriller et opte pour un conte satirique sur les ultra-riches isolés dans leur bulle au-dessus des lois. Le film nous fait pénétrer dans l’univers des Maynard : leur palais blanc immaculé où les fillettes roulent en Porsche, où la femme trophée d’Amon choisit une mère porteuse sur catalogue et où sa fille adolescente affirme sur un ton blasé : « Je ne suis pas matérialiste » ou encore « la vie n’est pas juste ». Les effets de style et la bande originale faite d’un mélange de vocalisations abstraites, de passages de percussions et de morceaux classiques confèrent au film une dimension symbolique et l’ancrent définitivement dans le registre de la fable et du conte. Les meurtres si froidement exécutés, si aléatoires et si insupportables semblent eux aussi être les symboles des dérives du capitalisme : licenciements, délocalisations, faillites. Toutes ces victimes ne seraient-elles pas tout simplement les dommages collatéraux de décisions prises au nom du libéralisme par ses représentants, dans leur quête de profits ? Le film s’ouvre par une citation issue de La Source vive d’Ayn Rand, théoricienne russo-américaine du capitalisme : « La question est : qui va m’arrêter ? » Cette interrogation prend ici une dimension cinglante et tragique. Qui pour arrêter Amon Maynard et ses semblables ? Pas le pouvoir politique. Dans cette satire, la collusion avec les ultra-riches n’a d’égal que leur mépris envers leurs administrés et l’intérêt général. La presse n’est guère mieux lotie – on peut regretter au passage que la sous-intrigue avec le journaliste Volker Carlotta, qui souhaite démasquer Maynard, ne soit pas plus développée. Restent les spectateurs, chez qui cette satire du capitalisme ne manquera pas de susciter des réactions tranchées.
Veni, Vidi, Vici en salles le 18 septembre.