I, the Jury d’Harry Essex

En 1953, Harry Essex, le scénariste de L’étrange créature du lac noir (1953) – sans doute le meilleur film de monstre de la Universal – ou encore de l’excellent western Les quatre fils de Katie Elder (1965), réalise son premier long-métrage : I, the Jury.

Adapté du roman de Mickey Spillane sorti en 1947, I, the Jury est la première apparition à l’écran du détective privé Mike Hammer. En décalage complet avec l’image du privé des années 1930, 1940, Sam Spade de Dashiell Hammett ou Marlowe de Raymond Chandler, Hammer est un personnage violent, brutal, instinctif et réactif. Il fera l’objet de deux séries de télévision ainsi qu’un certain nombre de films, dont l’extraordinaire En quatrième vitesse (1955).

Encore inconnu des écrans en 1953, le rôle revient à Biff Elliot, un acteur du monde de la télévision et du théâtre. Golden Gloves fin des années 1940, c’est-à-dire champion amateur de boxe anglaise, Biff est aussi fantassin durant la Seconde Guerre mondiale. Des expériences dures de vie et de mort qui le relient à Hammer, chez qui la physicalité prévaut sur la réflexion. Inconnu avant le film, il le restera ensuite malgré une excellente prestation. En décalage avec le reste du casting, solide dans les dialogues, Biff Elliot fait exister son explosivité et son sens de la réaction. L’énergie de l’acteur prime sur sa parole et sert parfaitement son personnage. I, the Jury est construit autour de moment de violence crédibles narrativement et visuellement, une spécificité rare dans le cinéma de ces années-là. Hammer est un voyou, une petite frappe qui prône le « faire justice soi-même ». En ce sens, le film rejoint le cinéma d’auto-défense dans sa morale et son discours choque autant que son inhabituelle rugosité. La mise en scène est maîtrisée, Essex sait habilement quand injecter de l’élan, de la vigueur et quand cadrer avec plus de distance. Multi-collaborateur d’Anthony Mann, John Alton signe la photographie noire et blanche du film. Les contrastes sont sublimes, les noirs denses, le travail sur les ombres et les relief, puissant.

I, the Jury est important historiquement parce qu’il met en scène pour la première fois à l’écran le personnage de Mike Hammer ; mais il est aussi un court récit tenu, parfaitement mis en scène, surprenant dans son explosibilité et à la photographie sublime. 

I, The Jury, disponible en édition Blu-Ray / DVD, édité dans la collection Make My Day de Studio Canal