L’ORIGINE DU MAL de Sébastien Marnier

Avec L’Origine du mal, Sébastien Marnier signe un très beau thriller psychologique. Ou quand une quête d’appartenance désespérée met à nu la noirceur et la détresse d’une âme.

Avec ses deux premiers films, Sébastien Marnier nous invitait déjà à suivre le quotidien de personnages dévorés par un désir brûlant. Dans Irréprochable, une agente immobilière au chômage se montrait prête à tout pour retrouver un job, quitte à entrer en rivalité avec une autre femme plus jeune. Dans L’Heure de la sortie, un professeur de collège avait à cœur de percer le secret d’un groupe d’ados surdoués, au comportement hostile. Une tendance obsessionnelle que partage aussi Stéphane, l’héroïne au prénom masculin de L’Origine du mal. Avec un certain brio, Marnier continue donc d’explorer le même thème, celui d’un espace mental peu à peu sclérosé par une idée fixe.

Au nom du père
Issue d’un milieu précaire, la solitaire Stéphane (Laure Calamy) décide un jour de prendre contact avec Serge, son père richissime, qu’elle n’a jamais connu. Dans la somptueuse villa familiale, Stéphane est accueillie par Louise (Dominique Blanc), sa belle-mère fantaisiste, et commence à rattraper le temps perdu, au grand dam de George (Doria Tillier), l’autre fille de Serge. Mais tandis que Stéphane et son père apprennent à nouer des liens, les apparences se fissurent et la crainte d’un terrible mensonge s’installe. Quel est donc le secret de cette fille oubliée ? Outre l’influence évidente de Chabrol, avec qui Marnier partage ici un goût pour la satire et les faux-semblants, le film fait souvent écho, dans sa mise en scène, au cinéma de Brian De Palma, lui-même obsédé par la question de la vérité. Son influence est d’ailleurs citée dès l’introduction, reproduction plutôt fidèle du plan-séquence de l’ouverture de Carrie. Le Français s’accapare également le split screen cher à l’Américain, pour unir les personnages dans le cadre tout en rappelant leur incompatibilité profonde. Enfin, le parallèle transparaît dans la structure dramaturgique du long métrage. Comme dans Body Double par exemple, Marnier prend le temps de poser une situation claire, pour petit à petit en transformer les enjeux, révélant ainsi une réalité sordide qui nous était auparavant inaccessible.

Maniant avec aisance la rupture de ton, L’Origine du mal oscille sans cesse entre l’oppression anxiogène et la drôlerie malaisante, tirant le maximum d’un casting quatre étoiles à la complicité éclatante. Presque toujours narré du point de vue de Stéphane, le film prend un malin plaisir à bousculer notre empathie, surtout lorsqu’il révèle à mi-parcours la véritable nature de son héroïne. Une ambiguïté d’ailleurs elle aussi énoncée dès les premières séquences : après avoir quitté son travail, Stéphane pénètre dans une prison, nous amenant à suspecter qu’elle était une détenue en réinsertion. La scène suivante viendra nous contredire, puisque c’est la petite amie de Stéphane qui est incarcérée. C’est cette opacité narrative qui fait tout le sel du cinéma de Marnier, à tel point que le film ne résoudra jamais vraiment le problème sous-tendu par son titre. Quelle est donc l’origine du Mal ? Stéphane, dont les motivations profondes restent troubles ? Le père, colonne vertébrale autoritaire du clan ? La belle-mère, dont l’influence insidieuse se fait vite ressentir ? Ou bien encore George, future héritière à la froideur glaciale ? Le Mal a-t-il seulement une origine ?