LITTLE PALESTINE, JOURNAL D’UN SIÈGE de Abdallah Al-Khatib

Yarmouk était connu comme le plus grand camp de réfugiés palestiniens du Proche-Orient. L’histoire est encore peu connue, mais cette banlieue de Damas a été assiégée par le régime de Bachar Al-Assad de 2013 à 2015, puis détruite. Abdallah Al-Khatib, lui-même prisonnier du camp, a filmé la famine et la mort pendant deux ans. Son documentaire est projeté à la sélection ACID de Cannes 2021.

La cité avait été construite pour accueillir les réfugiés qui avaient fui la Palestine après la création de l’État d’Israël. Aujourd’hui, il n’en reste presque rien. Yarmouk, ville au sud de Damas, a été détruite par les forces gouvernementales syriennes après un siège de deux ans. Le documentaire Little Palestine, journal d’un siège raconte cette période de blocus, pendant laquelle près de 200 Palestiniens ont péri, faute de soins. Abdallah Al-Khatib, né à Yarmouk, faisait partie de ces réfugiés encerclés. Jusqu’à l’expulsion des habitants par Daech en 2015, il a filmé les enfants, les vieillards, les obus, la mort, le rationnement, le désespoir. Près de 10 ans après le début du tournage, tous ces rushs sont devenus un film.

Un hymne à la résistance
Dans les années 50, de nombreux Palestiniens chassés de leurs terres ou fuyant les combats trouvent refuge en Syrie. En 1957, le camp de Yarmouk est construit près de la capitale. Petit à petit, la vie reprend : on y installe des écoles, des boutiques, des hôpitaux. Le camp devient une ville résidentielle. En 2010, on estime à 160 000 le nombre de réfugiés palestiniens qui vivent à Yarmouk. Mais la guerre en Syrie éclate en 2011, et les rebelles prennent le contrôle de la ville en 2012. Après d’importantes destructions causées par des combats entre les rebelles et les forces gouvernementales, la ville est vidée de ses habitants. Ne restent à Yarmouk que 18 000 Palestiniens, vite assiégés par le régime d’Assad. Dès juillet 2013, les civils sont empêchés de sortir du camp par un barrage tenu par l’armée. Le régime bombarde la ville et prive ses habitants de nourriture, d’eau et d’électricité. L’Office de secours et de travaux des Nations unies, de son côté, ne peut que très rarement ravitailler les Palestiniens encerclés.

Abdallah Al-Khatib, au plus près du désastre humanitaire, filme et commente la catastrophe, mais aussi la résistance. Une heure et demie d’hommage à ces enfants qui n’ont plus peur de la mort, à ces mères de famille qui sacrifient leurs dernières forces, à ces vieillards qui rêvent d’une Palestine qu’ils ne retrouveront jamais, à ces hommes qui chantent en cœur autour d’un piano de fortune pour couvrir le bruit des obus. Et à sa propre mère, médecin sur le camp, qui travaille jour et nuit. L’image est brute, tremblante, elle s’attarde sur des détails. Des sandales déchirées aux pieds d’une petite fille, des mauvaises herbes qu’on cuisine faute de mieux, des cadavres alignés sur le sol, un nourrisson à l’agonie… Rien n’est éludé, et c’est ce qui fait toute la valeur de Little Palestine, journal d’un siège, puisque l’histoire des Palestiniens de Yarmouk a été passée sous silence par les principaux médias occidentaux.