Les Reines du drame d’Alexis Langlois
Par Léo Ortuno
Face caméra, un youtubeur répondant au doux nom de Steevyshady introduit Les Reines du drame. C’est Bilal Hassani, visage déformé par un botox qui ne cherche pas la discrétion. Il annonce immédiatement la couleur : « Si vous n’aimez pas les drames too much, les émotions explosives, le romantisme débridé, le make-up qui dégouline et surtout les chansons d’amour qui déchirent le cœur… ou si vous êtes de droite, dégagez ! » On n’en attendait pas moins d’Alexis Langlois, dont le parcours a déjà été très suivi avant ce premier long. Que ce soit dans ses quatre courts ou ses clips, son univers est immédiatement reconnaissable : une fidèle troupe d’acteur·rice·s, évoluant dans une esthétique queer, jouant autant avec le kitsch qu’avec des prothèses qui remodèlent les corps. Radical, tout en restant pop, il faut le voir pour y croire. Le passage à une forme narrative plus longue s’annonçait périlleux. Comment faire tenir sur la durée, et sans lasser, des histoires où tous les curseurs sont poussés au maximum ? Avec Les Reines du drame, le défi est parfaitement relevé grâce à une recette simple. Alexis Langlois est allé puiser dans une matière maintes fois éprouvée, la success story flamboyante et son brutal retour à la réalité. D’Illusions perdues au récent Tár, en passant évidemment par A Star Is Born, dont le film reprend une grande partie de la trame principale, le genre est ici réapproprié en grande pompe tout en injectant dans chaque recoin du cadre et du scénario la touche exubérante du cinéaste.
Les Reines du Paradise
Milieu des années 2000. Mimi Madamour est une apprentie chanteuse en passe de devenir une idole nationale. Lors du casting d’une émission caricaturant gaiement les codes de la Nouvelle Star, elle fait la rencontre de Billie Kohler, chanteuse punk avec laquelle une relation passionnelle se noue. Quand l’une est au sommet des charts, l’autre reste dans l’ombre. Lorsque la situation s’inverse, le film ausculte ses personnages qui, au summum de leur célébrité ou dans l’indifférence générale, souffrent d’une solitude que seul leur amour intense peut combler. Les Reines du drame avance sur une ligne fine, naviguant constamment entre parodie et un premier degré assumé – cette passion amoureuse, sincère et débordante. Le film gagne en ampleur en recyclant lui-même sa propre matière. Les personnages vénèrent un autre binôme d’anciennes chanteuses à succès et tombées dans l’oubli, Magalie Charmer et Elie Moore. Des alter-ego de la génération précédente, qui montrent aussi le caractère cyclique des modes et de l’industrie. Alexis Langlois s’inspire ainsi de Brian De Palma, citant directement une scène de Carrie, mais surtout son Phantom of the Paradise,où tous les protagonistes seraient désormais queer et bien implantés dans l’industrie musicale, sans pour autant omettre la critique acerbe qu’en faisait le cinéaste américain. Avec cette histoire universelle plongée dans un univers de paillettes, ses tubes qui restent en tête et ses répliques qui claquent, Les Reines du drame a déjà tout du film culte.
Les Reines du drame, en salles le 27 novembre.