Sweeney! : deux fictions pulp

Polars britanniques poisseux adaptés d’une série à succès des années 70, Sweeney! (1977) et Sweeney 2 (1978) ressortent dans la collection Make My Day chez StudioCanal. Par Thomas Révay.

Adaptations sur grand écran de la série télévisée anglaise Regan, Sweeney! (1977) et Sweeney 2 (1978) suivent le quotidien de Regan et Carter, deux enquêteurs de la Sweeney (la brigade volante de la police judiciaire londonienne qui doit son nom à Sweeney Todd), interprétés par les excellents John Thaw et Dennis Waterman. C’est tout naturellement, que le succès populaire de la série déclenche la mise en production des deux longs métrages. Les producteurs y voient une opportunité pour pousser plus loin les curseurs de la violence, du sexe, de ce qu’il est possible de montrer sur un écran de cinéma, la petite lucarne étant à cette époque plus limitative. Ce passage sur grand écran se fait d’autant plus facilement que la série télévisée est déjà tournée en pellicule et que les producteurs ont la bonne idée de conserver l’équipe technique en place.

L’opération donne naissance à deux polars grinçants, pulp, tournés l’un après l’autre qui, sans tomber dans l’exploitation, illustrent avec un ton juste le quotidien, tant professionnel que personnel, des enquêteurs de la Sweeney. Le premier film, nettement plus réussi, est nerveux, froid et gris. Les personnages évoluent dans un Londres crasseux et sont plongés dans une sombre histoire de machination politique qui renvoie aux films paranoïaques américains des années 1970, Les Trois Jours du Condor (1975) en tête. Visuellement, le film s’inscrit plutôt du côté du French Connection de Friedkin (1971) dans son utilisation de la caméra portée et dans sa mise en scène d’une violence crue et réaliste. Dans ce polar londonien à l’atmosphère poisseuse, les dialogues sonnent vrais, on les dirait écrits dans le jargon de la police. Ils rappellent, dans une certaine mesure, les livres de Joseph Wambaugh, ex-policier de la LAPD devenu écrivain à succès. La fin cynique et nihiliste de Sweeney! s’appuie sur un ton hard boiled, méchant et acerbe, qui apporte la dimension dramatique supplémentaire qui manque au second. En effet, Sweeney 2, pourtant écrit par Troy Kennedy-Martin, scénariste de l’excellente mini-série Edge of Darkness (1985), est nettement moins virulent, plus long et moins nerveux. Reste tout de même une scène culte dans laquelle la Sweeney organise une beuverie générale dans le bar d’un hôtel qu’elle est aussi en charge de déminer et le plaisir de retrouver nos deux personnages principaux desquels se dégage un réel sentiment d’appartenance aux forces de l’ordre londoniennes.