Dìdi de Sean Wang

Par Camille Griner.

Fremont (Californie), été 2008. Entre une explosion de boîte aux lettres filmée en miniDV, l’utilisation d’un iPod nano deuxième génération et une session de Finger Skate sur les notes de Im a Cuckoo de Belle and Sebastian, Dìdi ravive dès ses premières minutes la flamme des années 2000. La nostalgie s’avère d’autant plus intense si le spectateur fait partie, comme le héros éponyme du film, de la famille des « milléniaux ». Une génération qui regroupe les premiers rejetons ayant grandi dans un environnement numérique, marquée par l’avènement d’Internet, des réseaux sociaux et des nombreuses dérives qui en découleront. Puisant librement dans ses souvenirs de jeunesse lors de cette ère foisonnante, le réalisateur Sean Wang, né en 1994, offre une authenticité bienvenue à son premier long-métrage. Petit-frère de 90s de Jonah Hill et de Lady Bird de Greta Gerwig, Dìdi relate les péripéties de Chris, aka Dìdi (qui signifie « petit-frère »), ado américano-taïwanais de 13 ans qui entame son long chemin vers la maturité. Durant les vacances estivales, Chris va tenter de trouver sa place coûte que coûte avant l’entrée au lycée. Et si les fondements narratifs classiques du récit d’apprentissage sont bel et bien présents, Dìdi tire pourtant son épingle du jeu grâce à la singularité de son personnage principal et du tiraillement interne qui le ronge.

Rien ne sert de courir petit frère

La caméra de Sean Wang colle aux baskets de son héros, mais le réalisateur s’éloigne du teen-movie en dépeignant une adolescence loin des clichés. Dìdi dresse le portrait doux-amer de cette période charnière, dont l’exploration ne se fait jamais sans malaise, bourde et méchanceté. Des crasses qu’il opère en douce à sa grande sœur – comme uriner dans sa lotion contre l’eczéma – jusqu’au fait de simuler les mêmes goûts que la fille qu’il aime secrètement après avoir fouiné sur son profil MySpace, Dìdi se révèle aussi ingrat que touchant dans ses faits et gestes, stigmates d’un manque évident de confiance en lui. L’ado au sourire d’acier n’est jamais pleinement lui-même, paniqué à la simple idée de devenir le loser du quartier. Il est d’autre part plaisant qu’un personnage d’origine asiatique soit enfin mis au centre d’un récit adolescent. Une séquence familiale de dîner permet d’ailleurs de mettre en lumière les conflits intergénérationnels, entre injonctions et traditions, dans les familles issues de l’immigration : tandis que la grand-mère craint la fin de leur lignée après avoir vu ses petits-enfants s’insulter à table, Chris s’accommode sans trop sourciller du mode de vie occidental, malgré un racisme banalisé âprement évoqué par le biais de camarades d’école. Le point noir de Chris réside en effet dans la honte qu’il ressent face à ses origines ; s’autoproclamant « semi-asiatique » auprès des skateurs du coin, Dìdi renie son identité pour tenter d’en trouver une nouvelle. Il s’invente alors une vie, taclant sa mère pour mieux supporter le mal-être qui le gangrène. Toujours tendre envers ses personnages, armé d’une colorimétrie douce, le filmillumine la pudeur émouvante de cette famille. Auréolé de quelques prix à Sundance, Dìdi bouleverse par la sincérité et la justesse des tribulations de son protagoniste central, impeccablement campé par Izaac Wang, qui touche intimement l’ado qui sommeille en chacun.e d’entre nous.

Dìdi, en salles le 16 juillet.