L’amour qu’il nous reste d’Hlynur Pálmason

Salué pour sa fresque historico-poétique GODLAND, l’islandais Hlynur Pálmason est de retour avec L’AMOUR QU’IL NOUS RESTE, un film autrement plus intimiste sur la famille et le temps qui passe, tout en plans fixes et en instantanés sublimes de paysages volcaniques. Par Barnabé Volatier.

De toutes les métaphores qui parcourent le quatrième long-métrage d’Hlynur Pálmason, la plus explicite est probablement la toute première : le toit d’un vaste atelier qu’un appareil hors-champ s’évertue à arracher. Un plan à la fois anodin et brutal, qui introduit une fresque d’un an, au gré des saisons : le divorce d’Anna, artiste plasticienne résiliente et de Magnus, pêcheur mélancolique. Une séparation que subissent aussi les enfants du couple. Et si l’analogie entre le bâtiment dont on attaque la structure et la famille qui se délite est évocatrice, on notera que la séquence préexiste au film. L’amour qu’il nous reste étant la somme d’un tournage mais aussi d’un amoncellement d’images tournées en amont. Si la forme de la fresque historique Godland (2002), plus stricte, semblait guidé par le caractère de son personnage principal – un prêtre rigoriste envoyé au fin fond de l’Islande pour y bâtir une église protestante –, ce nouveau film semble plus libre, plus poétique. « Une œuvre à qui j’ai donné la permission de construire elle-même », selon son réalisateur. Le mannequin criblé de flèches par les gamins ou les chevaux qui détruisent une œuvre d’art laissée à l’air libre pour fermenter lors de l’hiver islandais proviennent directement de la vie et de l’œuvre du cinéaste, également plasticien. Pálmason tourne par ailleurs avec ses propres enfants, sa propre voiture et même, ses propres poules, dans une maison de famille. De là provient certainement la spontanéité très déroutante du film et l’intimité ressentie avec ses personnages. 

Le dernier album photoLe format 4/3 (plus resserré qu’à l’accoutumée, tirant vers le carré) accentue encore cette sensation de proximité. Comme si pour épouser les états d’âme des personnages. Lorsque Magnus hurle son désespoir et implore Anna de le pardonner, il le fait coincé entre deux bandes noires. Quand un des deux jumeaux se blesse et est amené d’urgence à l’hôpital, la salle d’opération où un médecin lui retire une flèche de l’épaule paraît plus étriquée encore. Chaque scène étant figée, on pense aussi au format photo, le film se confond alors avec un grand album de souvenirs, les derniers du couple, archivés à jamais. Et pourtant, il est important de reconnaître que L’amour qu’il nous reste est un film solaire plus qu’une tragédie. Le film apparaît comme un îlot de sérénité, protégé du monde extérieur et des ses agressions. Jamais Pálmason ne laisse entendre que les histoires d’amour finissent mal. Ici, pas de crise de larmes ou de grandes scènes de dispute. La séparation est montrée dans ce qu’elle comporte de difficile, mais aussi de tendre. De manière toujours économe en dialogues, une manière de prouver que les images en disent parfois beaucoup plus long. Un film intimiste sur la famille et le temps qui passe, tout en plans fixes et en instantanés sublimes de paysages volcaniques.

L’Amour qu’il nous reste, en salles le 17 décembre