Le choix des armes d’Alain Corneau

Montand en ancien truand rangé des voitures dérangé dans la tranquillité de son haras par un Depardieu en cavale, petit malfrat tueur de flics. Deneuve, Lanvin et Galabru qui complètent un casting XXL. Le Choix des armes est un polar à la française de premier choix, beaucoup plus profond et social qu’il n’y paraît. Retour vers les années 80. Par Lucas Aubry.

Qu’il semble lointain le temps où Yves Montand dégainait son Colt 357 à tout-va dans Police Python 357, traquant seul et de nuit des gangsters retors au grand dépit de sa direction, n’en faisant qu’à sa tête sous la caméra d’un jeune Alain Corneau, l’inspiration toute tournée vers l’Amérique et son Inspecteur Harry. En ce milieu d’année 1981, les Français viennent d’élire François Mitterrand et réclament de la « Force Tranquille ». Dans ce très bon Choix des armes, Montand est Noël Durieux, un ancien truand rangé des voitures coulant des jours paisibles au côté de sa femme Catherine Deneuve et d’une jument capricieuse dans un haras cossu en lisière de forêt de Chantilly. Quasiment la vie de château, jusqu’à ce qu’un ancien compagnon de route tout juste évadé de prison ne vienne s’échouer dans son pré, accompagné par « Mickey le fou », un jeune boxeur devenu dingue de la gâchette, un marginal, incarné par Gérard Depardieu.

C’est une évidence, Alain Corneau lorgne désormais du côté de la série noire et du bon vieux polar à la française. Où il est question d’amitiés viriles, de règlements de comptes et de vétérans qui ressortent leurs flingues poussiéreux pour un dernier coup. On imagine aisément Gabin dans le rôle de Durieux. Et pour cause, Corneau fait du cinéma d’acteur, celui qui était si cher au patron du cinéma français. Aux côtés de Montand, Deneuve et Depardieu – déjà un casting formidable en soi – Michel Galabru, Gérard Lanvin ou encore Richard Anconina soignent les seconds rôles. Galabru est un vieux flic à qui l’on apprend pas à faire la grimace, Anconina est un banlieusard en blouson de cuir avec « une mob pourrie, un boulot de merde et une gonzesse à chier », l’inspecteur Lanvin court après Depardieu pour le ramener derrière les barreaux. 


Mais très vite, on comprend que ce n’est pas la cavale de l’imprévisible Mickey mais bien son rapprochement avec l’ex-truand embourgeoisé qui fera la force du scénario. Tout oppose leurs deux générations : celle des gangsters au code d’honneur et celle des petits malfrats tueurs de flics. Mickey lui donne du fil à retordre mais Montand se met à douter, et cherche à comprendre. Il erre au milieu des grands ensembles de La Courneuve où s’entassent 20 000 habitants lors d’une scène sublime. Le choix des armes sort en plein été 1981 mais l’époque semble déjà à la désillusion. Il navigue entre le polar à l’ancienne et le roman psychologique : un « psycho-noir », selon les mots du réalisateur. Un Corneau grand cru, profond et rythmé, particulièrement bien ficelé. 

Le choix des armes, ressortie en blu-ray accompagnés de bonus créés et sélectionnés par Jérôme Wybon dans la collection Nos Années 80, par STUDIOCANAL.