Le Rendez-vous de l’été de Valentine Cadic
Par Julie Mengelle.
Le premier long-métrage de Valentine Cadic s’amuse des codes du documentaire et de la fiction pour mettre en scène une sorte de Jacques Tati au féminin, dans un Paris ensoleillé et cosmopolite. Le cadre ? Les Jeux olympiques, à l’été 2024. Une jeune Normande débarque à la capitale pour assister aux épreuves de natation. Manque de bol, elle se voit refuser l’entrée à cause de son sac à dos multicolore, jugé trop volumineux. Ce faux départ annonce d’emblée la couleur : le film sera le portrait décalé d’une femme pas tout à fait raccord avec son environnement. Des Jeux olympiques, elle verra surtout la périphérie, le dortoir d’une auberge de jeunesse et la Seine qui n’accueille finalement aucun nageur. Elle découvrira que les manifs sauvages peuvent côtoyer les rassemblements en plein air devant des écrans géants, et qu’on se retrouve parfois embarqué par les flics alors qu’on n’a rien fait de mal. S’il y a dans Le Rendez-vous de l’été un peu de La Fille du 14 juillet (Antonin Peretjatko, 2013) et de La Bataille de Solférino (Justine Triet, 2013), l’intrigue ici s’en détache de par un propos plus souterrain sur la solitude et le calme, dont se nourrit le personnage principal. On bascule lentement d’un Paris grouillant de monde vers une ambiance plus feutrée, qui résonne davantage avec l’intériorité de la jeune femme.
Antihéroïne
Malgré ses déconvenues, Blandine (du vrai prénom de l’actrice, Blandine Madec) se mêle aux gens qu’elle rencontre avec bonhomie et sans calcul. Une sorte de sérénité erratique guide sa trajectoire, les humeurs des uns et des autres n’ayant pas vraiment prise sur elle. La sincérité sans filtre avec laquelle elle répond aux questions l’expose parfois aux malentendus et aux sourires révélateurs des Parisiens ; on sent poindre ici ou là un regard supérieur, qui pourrait croire avoir quelque chose à enseigner à notre antihéroïne. En vérité, la façon qu’a Blandine de se déplacer en marge du paysage n’est pas tant révélatrice de sa candeur que de sa faculté à modeler sa vie selon des codes qui lui sont propres. C’est ce dont s’aperçoivent certains de ses interlocuteurs mis en déroute par une répartie inattendue, lorsqu’elle se livre par exemple au journaliste radio sur le burn-out de sa nageuse préférée (Béryl Gastaldello), ou bien quand elle confesse à sa nièce qu’elle ne supporterait pas d’avoir un enfant car elle a besoin de ses huit heures de sommeil. Le rythme citadin glisse sur la jeune provinciale sans la transformer. Une force singulière l’habite et guide sa manière d’appréhender le monde. « Je suis pas sûre de vouloir partager ma vie avec quelqu’un, j’aime pas trop partager ma maison, mon quotidien. J’ai déjà essayé de faire comme tout le monde… Pourquoi il faudrait faire comme tout le monde ? » Blandine déjoue les clichés associés aux femmes seules que ses congénères seraient susceptibles de projeter sur elle. Ni vieille fille, ni femme-enfant, elle est une trentenaire solitaire qui profite de son séjour pour visiter la capitale, renouer avec sa demi-sœur et rencontrer sa nièce. La langueur estivale enveloppe le film et rappelle ces atmosphères caractéristiques du cinéma de Guillaume Brac ou de Mikhaël Hers, dans lesquelles l’émotion affleure par des sensations palpables, quand la caméra s’attarde sur des instants suspendus – trois corps endormis sur un balcon au petit matin, quelques brins d’herbe saupoudrés sur un genou dans un parc… Dans un doux mélange tendre et burlesque, Valentine Cadic signe un premier long-métrage émouvant, tout en nuances.

Le Rendez-vous de l’été, en salles le 11 juin.