Materialists de Celine Song

Par Laurie-Anne Alfero.

Présenté en clôture du Champs Élysées Films Festival – en présence de sa réalisatrice Céline Song – Materialists (aujourd’hui en salles) nous entraîne dans la roue d’une « matchmakeuse » (entremetteuse) accomplie travaillant pour les cœurs-à-prendre les plus fortunés de New York. Un nouveau long-métrage inspiré du vécu de la cinéaste, et de son ancienne vie où elle enchaînait les petits boulots, deux ans après le délicat Past Lives

Lucy (Dakota Johnson) est une entremetteuse accomplie travaillant pour des célibataires à la recherche de l’amour, certes, mais dont les requêtes farfelues dépeignent une société en mal de sentiments sincères. Elle-même ne cache pas qu’à ses yeux, la qualité essentielle d’un homme se mesure au nombre de zéros figurant sur son compte en banque. Harry (Pedro Pascal) semble cocher toutes les cases : grand, séduisant, attentionné, et donc, riche. Très riche. Face à lui s’oppose John (Chris Evans), l’amour de jeunesse de Lucy, dont le charme n’a d’égal que la précarité : il alterne les petits jobs sous-payés, nourrissant l’espoir de devenir acteur.

Moderniser la rom-com

Après son clin d’œil inaugural et inattendu à 2001 : l’Odyssée de l’espace – le film s’ouvrant sur un couple préhistorique s’ébattant en pleine nature et s’adonnant à toutes sortes de rites décalés – c’est aux motifs habituels de comédie romantique populaire que Céline Song ne cesse de faire référence. Musique entraînante, humour peu subtil, intrigues câlines servent de socles à un classique parmi les classiques :  le triangle amoureux. Sous couvert de rom-com, c’est bien la société actuelle qu’elle dénonce, une société dans laquelle l’amour serait devenu aussi fade qu’une transaction financière ou qu’une addition mathématique. Au-delà de la réflexion sur l’argent et sur la manière dont il peut influencer certaines romances, c’est à travers le personnage de Sophie – l’une des clientes fortunées de Lucy – que le film dévie le plus de son genre initial pour entrer dans la satire sociale. Constamment objectivée, tandis qu’elle-même idéalise les hommes, elle semble, elle aussi, être victime de cette marchandisation de la romance. Adosser le titre du film au matérialisme historique de Marx serait pousser le bouchon un peu loin. Très vite, les canons du romantisme hollywoodien pointent à nouveau le bout de leur nez. Comme pour Lucy, l’espoir ne peut naître que d’un amour véritable. Et tout doit bien finir. Au fond, ce sont ces allers-retours entre schémas classiques de la comédie et satire politique qui font le charme de ce Materialists, qui offre au passage une réflexion salutaire sur les excès du dating moderne. 

Materialists, en salles le 2 juillet.