Nino de Pauline Loquès

Par Benjamin Cataliotti.

Soixante-douze heures avant de déclarer la guerre à la maladie. C’est le temps que prend Nino, trentenaire atteint d’un cancer, dans un premier film doux et pudique sur le sentiment d’imposture. Où chaque seconde compte, surtout quand elles sont inutiles. Célébrant la sélection de son premier long-métrage à la Semaine de la critique, à Cannes, la réalisatrice Pauline Loquès partageait, sur les réseaux sociaux, le bonheur de voir « son » Nino voir enfin le jour sur les écrans. Plus loin, commentant une photographie de Théodore Pellerin et de Salomé Dewaels, les interprètes principaux, la réalisatrice écrivait : « Mes acteurs, mes amis, mes enfants ? Je ne sais plus. » On retrouve cet attachement, presque de l’ordre de la prise en charge familiale, dans la façon qu’a le film de prendre soin de son héros, en le suivant pas à pas mais toujours avec un certain recul, comme si on craignait de l’étouffer. Alors assumons, au risque de s’enfoncer jusqu’à la noyade dans le cliché de la réalisatrice-maman : oui, Nino est le film d’une cinéaste qui chérit ses personnages comme d’autres s’inquiètent pour leurs proches ; et les voient lutter, parfois, contre des vagues face auxquelles il semble au départ inutile de lutter. 

Dans la nuit

La pudeur, vrai remède au désespoir ? Qui a déjà côtoyé de près ou de loin la violence de cette maladie scélérate ne sait que trop bien combien les cancers ORL sont effrayants, et parfois destructeurs, pour ceux qui les contractent. Nino, lui, vit l’annonce comme une imposture, un message glissé dans la poche d’un autre. De l’état d’apesanteur dans lequel le laisse cette nouvelle terrible, le film tisse une chronique sur trois jours, le temps pour son héros de changer peu à peu de peau et de faire le deuil, si possible, d’une existence certes banale mais qui n’était jusqu’à présent pas menacée par le pire. Albatros abîmé sur un navire qui tangue, Nino traîne sa silhouette inquiète et ses ailes de géant (« qui lempêchent de marcher », disait le poète) d’un appartement à l’autre et d’une conversation à la suivante. Chez son ex, sa mère célibataire ou une connaissance du collège, il semble chercher, plus qu’un remède ou une parole miraculeuse, avant tout de la compagnie, fût-elle passagère. Le caractère inconnu de l’acteur Théodore Pellerin rend la rencontre avec ce protagoniste d’autant plus émouvante. Son parcours peut paraître balisé : durant ces quelques jours qui font office de pivot, Nino perd les clés de chez lui et doit trouver de quoi se loger. La situation l’oblige à des rencontres parfois prévues, d’autres fois fortuites, chacune lui offrant de nouvelles perspectives. Mais là n’est pas l’essentiel. Au fond, Nino n’est jamais aussi beau que dans ses moments de creux, quand la délicatesse du montage le laisse compter les secondes à la fenêtre d’un logement de circonstance ; ou quand, hantant la loge d’un concierge, il chipe comme un voleur un cadeau d’anniversaire qui lui était pourtant destiné. Sans chichis, ni violons, Nino profite encore de la nuit, espérant que le réveil ne soit pas trop rude.

Nino, en salles le 17 septembre.