Tokyo Godfathers de Satoshi Kon
Œuvre à part dans la filmographie très sombre de Satoshi Kon, Tokyo Godfathers (2003), l’histoire de trois mendiants qui trouvent un bébé dans une poubelle, ressort en salles opportunément au moment des fêtes. Histoire de prouver qu’il est peut-être l’un des plus grands films de Noël. Par Téféri Lamare
Noël est de retour. Pour beaucoup, c’est la saison de l’insouciance, des pulls moches et des familles parfaites. Pour certains, c’est juste un rappel qu’ils sont seuls, qu’il fait froid et que la société préfère regarder ailleurs. C’est à ceux-là que Satoshi Kon semble parler. Décédé brutalement en 2010 à l’âge de 46 ans, des suites d’un cancer du pancréas, le génie japonais de l’animation avait un don pour raconter la vraie, dans ce qu’elle a de plus crasseux, tout en disséminant assez de magie pour qu’on ait envie de croire au bonheur, malgré tout. Peut-être son film le plus accessible, Tokyo Godfathers raconte l’histoire de trois sans-abris qui trouvent un bébé abandonné dans une poubelle et se mettent à la recherche de sa famille, le soir de Noël, à Tokyo. C’est aussi son film le plus tendre. Une fable avec des miracles, des coïncidences et trois rois mages version clodos : Gin, l’oncle alcoolique qui raconte n’importe quoi pour cacher qu’il a mal, Hana, le travesti romantique qui rêve de devenir maman et Miyuki, adolescente en fuite, aux saillies aussi tranchantes qu’une lame de rasoir, fragile comme de la porcelaine. Trois écorchés qui vivent ensemble parce que personne d’autre n’a voulu d’eux.
Un conte de Noël
Autour d’eux, Tokyo sous la neige devient un personnage à part entière. Une ville immense où les SDF n’existent qu’à la marge, à la ramasse, effacés chaque matin pour ne déranger personne. Dans une société en perte de repères, où demander de l’aide est presque une honte, les trois anti héros vont de rencontres en aventures improbables, de bagarres en révélations qu’il n’étaient pas prêts à entendre, en passant par un mariage de yakuza sorti de nulle part. Mais surtout, ils se retrouvent face à eux-mêmes. C’est tout le génie de Satoshi Kon de ne jamais embellir ses personnages. Chez lui, tout est moche, un peu cabossé. Des corps fatigués et des gueules inoubliables. C’est brut, c’est vrai, et terriblement humain. Le troisième long-métrage du cinéaste raconte qu’une famille peut ressembler à trois marginaux et un bébé trouvé dans une poubelle. Et s’il flirte parfois avec le merveilleux, ce n’est pas tant pour fuir la réalité que pour nous rappeler que même quand il fait froid, quand on porte un manteau troué, il y a toujours de l’espoir. Pas de côté dans la filmographie de l’ancien mangaka, plus habitué à travailler le sombre et le déroutant, Tokyo Godfathers est un véritable conte de Noël, la guimauve des téléfilms en moins.
Tokyo Godfathers, ressortie en salles le 17 décembre