Renoir de Chie Hayakawa
Il y a trois ans, Chie Hayakawa faisait ses premiers pas sur la Croisette avec Plan 75, un film bouleversant et politique sur le thème de l’euthanasie. Cette année, la réalisatrice japonaise revient en compétition officielle et s’intéresse, avec Renoir, à la question du deuil et de l’enfance. Par Lena Haque.
On le sait depuis longtemps, les films à hauteur d’enfant sont souvent les meilleurs : ils insufflent aux sujets difficiles toute la magie qui fait défaut à notre quotidien désenchanté. Renoir et son héroïne de dix ans ne font pas exception à la règle. Au seuil de l’été 1987, Fuki (l’admirable Yui Suzuki) est une élève de CM2 qui vaque à des occupations de son âge – végéter devant la télévision, s’entraîner à faire des tours de magie et explorer son quartier à bicyclette. Pourtant, malgré la liberté des grandes vacances qui débutent, tout n’est pas rose. Son père est atteint d’un cancer en phase terminale et passe ses dernières semaines à l’hôpital ; sa mère, dépassée par la situation, se raccroche à son travail et à l’ébauche d’une liaison pour ne pas sombrer. Entre les deux, Fuki, leur fille unique, se bricole un quotidien et paraît étrangement distante. Si, à première vue, la quiétude de Renoir ressemble à de l’indifférence, on comprend rapidement que Chie Hayakawa a trouvé le juste milieu entre émotion et pudeur pour filmer les tourments intérieurs de sa jeune héroïne. Ses images, lumineuses et précises, dessinent avec intelligence les contours du monde de l’enfance, dont le danger n’est jamais absent. Grâce à ce prisme, la réalisatrice réussit à capturer avec une grande délicatesse toute l’irréalité de la mort, qui, jusqu’au dernier moment, paraît toujours abstraite.
Flou artistique
De l’intériorité de Fuki, que la caméra filme pourtant de très près et dont nous épousons la vision du monde, nous ne saurons pas grand chose : une ou deux rédactions sur sa curiosité et sa colère, des bribes de journal intime qui attestent de sa grande lucidité vis à vis de la situation et une impression diffuse de solitude, lorsqu’elle écoute en boucle des annonces de rencontre par téléphone. Presque mutique, elle rit quand il faut pleurer, appelle les secours sans broncher et peine à poser des mots sur l’effacement progressif de son père. Le chagrin restera confiné aux marges du film et ne fera son irruption que par petites touches, via des personnages secondaires.
Malgré tout, Renoir n’est pas un film sur le déni, mais plutôt sur les mécanismes de survie que nous mettons en place pour faire face au changement. En glissant une réflexion sur l’impressionnisme par le biais d’un tableau de Renoir que Fuki découvre au hasard d’une exposition, Chie Hayakawa nous rappelle que parfois, la seule façon de regarder la réalité en face, c’est de l’estomper. Il en résulte un film doux et solaire, à l’émotion contenue mais dont la puissance affleure à chaque instant, et dont l’on ressort étrangement grandi – comme si, nous aussi, nous venions de traverser le pire… Et d’y survivre, l’air de rien.

Renoir, en salles le 17 septembre.