Théo Christine : « Avec le surf, je savais que j’allais finir frustré »

Moitié de NTM dans Suprêmes, arachnophile dépassé par les événements dans Vermines et flic dans B.R.I., Théo Christine est de retour avec Ollie – dans lequel il incarne un marginal au passé de skateur, prenant sous son aile un gamin de 13 ans harcelé à l’école. Un rôle taillé sur mesure pour l’acteur de 29 ans, qui a commencé dans le surf à haut niveau avant de jouer la comédie. On discute glisse, Denzel Washington et préparation à l’américaine avec l’un des acteurs les plus prometteurs du cinéma français.

Entretien réalisé en direct des Arcs Films Festival, en décembre dernier.

Ton rôle dans Ollie semble taillé sur mesure.

C’est vrai que le projet avait tout pour me plaire. Avec Antoine, on s’est rencontrés un été dans les Landes. Lui vient du skate et du surf, moi surtout du surf, on a tout de suite su qu’on allait faire des choses ensemble. Ça a commencé avec 404, un court-métrage dans lequel j’incarnais déjà un type en marge, puis il m’a parlé de ce rôle, inspiré de quelqu’un qu’il a réellement connu. Une sorte de grand-frère, un marginal décédé il y a quelques années. C’était très important pour lui.  

As-tu malgré tout eu besoin de travailler en amont ? 

On a essayé de construire un personnage un peu mystique, avoir un gros travail de transformation, à l’américaine. Il fallait trouver ce personnage et aller dans son intimité, dans son quotidien, essayer de côtoyer les gens qu’il pouvait côtoyer. Quelques mois avant, j’ai commencé à porter des dreads, et à dormir dans le camion dans lequel vit le personnage. J’ai aussi perdu 14 kilos. Il y a comme un deuxième film en parallèle qui se crée avant et pendant le tournage.

Une préparation à l’américaine, en somme.

C’est des choses qui m’inspirent. Des mecs comme Denzel Washington, c’est comme des pères de cinéma pour moi. J’ai vu tous les films qu’il a fait, je le trouve touchant. Il a quelque chose en commun avec mon père dans les mimiques, dans ce qu’il renvoie. C’est peut-être ça aussi qui m’interpellait quand j’étais plus jeune. Denzel c’est la puissance, les tripes, c’est… le feu. J’aimerais avoir un tel impact sur ma génération et les générations futures. Très bientôt je pars à New York, je vais aller le voir jouer à Broadway.

Parle-nous de ton passé de surfeur ? 

Je faisais de la compétition quand j’étais plus jeune. J’ai grandi en Vendée alors en hiver, on voyageait à Bali, en Californie, un peu partout dans le monde pour surfer des bonnes eaux, avec tous les meilleurs surfeurs mondiaux. Je me souviens avoir vu Jamie O’Brien prendre une énorme vague à Hawaï, sur un spot qui s’appelle Banzaï Pipeline, c’est l’une des choses les plus magnifiques que j’ai vues de ma vie. 

Comment passe t-on du surf au cinéma ?

Déjà, il y un âge auquel il se faut se poser des questions sur la suite si tu n’es pas dans le top du classement, vers 17, 18 ans. Il y a beaucoup de gars qui continuent quand même, qui tentent un an ou deux et puis qui finissent par ouvrir des écoles ou devenir entraîneur… Moi, je savais que j’allais finir frustré. Et puis quand tu baignes dans le monde du surf, tu ne penses qu’à ça, tu es dans ta bulle, j’avais envie découvrir autre chose. Naïvement, je me suis dit que j’allais monter à Paris et devenir acteur. 

Ça a été aussi facile que prévu ?

Évidemment, ça ne s’est pas passé comme ça. J’ai dû passer des cours de théâtre, le Cours Florent, apprendre les bases. Tout était nouveau. C’est ici que j’ai vraiment découvert la culture, le ciné. Au lycée, on était la section surf, on était plutôt du genre à se moquer des littéraires qui faisaient du théâtre à la pause déjeuner… À Paris, j’ai d’ailleurs eu la surprise de tomber sur Loyan Pons de Vier, qui a le même parcours que moi. On se croisait en compétition, mais lui surfait plutôt dans les Landes. Ça a été une grande chance de rencontrer ce gars, qui venait du même monde, avec le même esprit de compétition et l’objectif de devenir un grand acteur. On a fait sept ans de coloc, on a tout connu ensemble, le blues après avoir lâché le surf, les concours ratés, puis les premiers castings, les premiers films…

À quel moment as-tu la sensation d’avoir mis le pied dans la porte ?

Quand on me dit ‘Tu vas faire Suprêmes’. C’était le moment de montrer de quoi j’étais capable. Tous les matins, on avait des cours de théâtre, de graffiti, de chant. Audrey Estrougo voulait que l’équipe traîne ensemble pour recréer l’osmose de NTM, alors on se lâchait jamais, on se prenait réellement pour une bande de petits rappeurs.

Quels ont été tes rapports avec JoeyStarr ?

Dès le début, il a validé le film, alors c’était facile. Didier avait une confiance aveugle en Audrey, il nous a pris sous son aile, sans se poser de question. Il nous a même fait monter sur scène sur une tournée, une fois à Bruxelles et l’autre à Bercy. Se retrouver devant 17 000 personnes, pour moi, le petit mec qui vient de Vendée, c’était un délire. Il est d’une extrême générosité. Je sais que je peux l’appeler à n’importe quel moment si j’ai besoin de lui. On est restés très proches, on passe du temps ensemble.

Quelques mois après avoir incarné un vulcanologue en apprentissage (Magma), tu te retrouves dans la position de celui qui transmet dans Ollie.

Entre ces deux tournages il y a aussi eu Vivre, mourir, renaître de Gaël Morel, dans lequel je suis papa, j’ai une femme et tout. C’est vrai que je me sens parfois entre la fougue de la jeunesse et l’âge adulte. Les deux me vont, tout dépend du partenaire qu’il y a en face. C’est facile de jouer le manque d’expérience face à quelqu’un comme Marina. À l’inverse, voir le visage innocent de Kristen Billon, qui joue Pierre dans Ollie, ça me plaçait immédiatement en tant que « grand-frère ».

On te sent serein, es-tu parfois débordé par tout ce qu’il t’arrive ?

Pas vraiment. J’ai compris assez vite que si je m’oubliais, si mes pieds commençaient à quitter le sol, ça allait se terminer très, très vite. Et c’est la dernière chose que je veux, une phobie même. De par mon entourage j’ai conscience que ce que vis là, le cinéma, les avant-premières, le succès c’est pas la vraie vie.

Qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ? Traverser l’Atlantique ?

J’y vais dans pas longtemps pour faire un stage de trois mois. J’ai très envie de travailler à l’international que ce soit en Angleterre ou aux États-Unis. Mais je ne veux pas pour autant quitter le cinéma français. Je l’aime et je sais qu’il est en train de faire des choses très intéressantes. Je veux simplement trouver des rôles forts et importants, qui parlent aux plus jeunes. Avec un gros travail de préparation, c’est comme ça je suis heureux de faire mon métier.

Ollie, actuellement en salles.