JULIE (en 12 chapitres) de Joachim Trier

Après le bouleversant Oslo, 31 Août, le Norvégien Joachim Trier s’était aventuré sur le terrain du fantastique avec Thelma, sans vraiment parvenir à convaincre. Avec Julie (en 12 chapitres), il revient à sa forme initiale, un écrin à la lumière à la fois douce et crue dont il a le secret.

Quand on a aussi bien filmé Anders Danielsen Lie, il est presque criminel de s’en passer pour son film suivant et Joachim Trier l’a bien compris. C’est un plaisir incroyable de retrouver le comédien qui semble avoir vécu mille vies, tout en cernes, sourire amer et larmes contenues. Pourtant, c’est bien de Julie dont il est question dans ce nouveau film et c’est une autre comédienne, Renat Reinsve que Trier filme sous toutes ses coutures, en un portrait chapitré qui cite le Vivre sa vie de Godard et sa maxime célèbre en exergue : « il faut se prêter aux autres et se donner à soi-même » (Montaigne). Julie est belle, jeune et intelligente, c’est une femme de son temps qui a tout pour réussir dans la vie mais qui cherche longtemps sa vocation et s’accorde la liberté de ne pas s’enfermer dans un chemin tout tracé (la médecine). Qu’importe ce qu’en pensent les autres, et qu’importe s’il faut pour cela tâtonner et rester dans l’ombre de son compagnon, un dessinateur de BD culte (Danielsen Lie, donc). Faut-il faire, ou pas, un enfant et fonder une famille… Voilà une autre question qui a bien le temps d’être tranchée.

À travers le portrait de Julie, Joachim Trier affine donc le portrait d’une génération angoissée par la catastrophe climatique à venir et qui ne sait plus très bien quoi faire de sa culture, de son héritage, de ses bonnes valeurs. S’il tente d’aborder frontalement – mais parfois laborieusement – les enjeux féministes liés à la vague post-#MeToo, c’est bien dans les tourments existentialistes plus métaphysiques que le cinéaste excelle jusque dans une scène déjà légendaire de défonce sous champis qui prouve que le monsieur avait raison de se risquer sur le terrain du surnaturel et qu’il a des plans extrêmement malaisants à construire avec quelques prothèses. Jamais avare en audaces formelles quand c’est justifié, c’est néanmoins toujours au petit matin d’une nuit sans sommeil que le cinéaste continue de nous toucher en plein coeur, en un rayon de soleil balayant les hésitations et les regrets sur un visage amoureux.