PINOCCHIO de Matteo Garrone

– PINOCCHIO sur AMAZON Prime : le meilleur film pour enfant de l’année ? –

L’adaptation du célèbre conte par Matteo Garrone, maintenant disponible sur Amazon Prime, tient sur des partis-pris forts : ne pas verser dans la mièvrerie et ne pas truffer l’ensemble de clins d’œil pour séduire les amateurs de pop culture. Ne reste que la capacité d’émerveillement.

Il y a plusieurs façons d’adapter un conte destiné, à l’origine, aux enfants. La première, majoritaire, est celle portée par le cinéma hollywoodien à grand spectacle à travers les centaines de productions à grandes oreilles de l’ogre Disney. C’est en général une version du conte expurgée de toute aspérité et de toute littérature, lissée à l’extrême. La seconde est plus retorse puisque sortie du cerveau généralement compliqué d’un bataillon de geeks barbus à chemises hawaïennes. Ces derniers passent en effet le plus clair de leur journée à sophistiquer des algorithmes, à optimiser toutes les possibilités de leurs logiciels. Le résultat de ces films, en général signés Pixar, est évidemment plus qu’agréable à l’œil et au cerveau. Pour autant, cette façon de saisir les codes de l’enfance pour en tirer des fables bourrées de clins d’œil pop accessibles aux adultes pose comme un léger problème, comme si le cinéma d’animation mettait une distance entre lui et son public de base. Dans ce paysage, l’expérience du Pinocchio signé par l’Italien Matteo Garrone (Gomorra, Dogman entre autres) détonne et même charme comme ce n’est pas permis.

Le bois dont les rêves sont faits

La raison à cela est simple : cette adaptation du conte de Carlo Collodi (1881) a pris le parti du premier degré. Les maquillages des personnages et les animations sentent le caoutchouc, le bois et même parfois la piste aux étoiles de l’école du cirque. La matière reprend l’avantage sur les effets numériques. Même le personnage de Pinocchio – dont le visage et le corps ont pourtant été traités en images de synthèse, en plus du maquillage – préserve une patine vintage. Il n’y a pas que ça. Dans la version de Garrone, le personnage principal reste le conte originel. Dès lors, sa livraison à un public moderne doit s’effectuer de la manière la plus pure qui soit. Pour cela, il n’a été expurgé ni de sa violence originelle (difficile d’imaginer cette scène où Pinocchio manque de se faire pendre dans une production Disney), ni été ramené aux problématiques de l’époque. Ce Pinocchio-là propose des sensations que le cinéma semblait avoir oublié depuis des lustres : présenter une Italie de carte postale, redonner aux comédiens le goût des techniques de la comedia dell’arte, remettre de nouveau aux avant-postes Roberto Benigni. À l’arrivée, Garrone ne prend ni les enfants pour des adultes cyniques et ricaneurs, ni les adultes pour des bambins débiles. Mieux, il se permet de réinjecter dans la machine cinéma cette capacité de surprise qui faisait le sel des films fantastiques du passé (on pense parfois au Freaks de Todd Browning, mais aussi au Labyrinthe de Jim Henson). Qu’est-ce que Pinocchio ? Juste l’histoire assez mélancolique, et simple, d’un charpentier qui rêvait de devenir père. C’est aussi le récit initiatique et forcément symbolique durant lequel une marionnette en bois va se transformer, étape après étape, en garçon de chair et de sang. Et en l’état, ce Pinocchio parait sincère, dénué d’ego et de pensées mercantiles. Bref, assez loin de ce que sont devenus, malheureusement, l’ordinaire des adaptations de contes pour enfants. Jean-Vic Chapus