CHARLOTTE A 17 ANS de Sophie Lorain

– En salles : CHARLOTTE A 17 ANS –

Le second long de la Québécoise Sophie Lorain se révèle bien plus qu’un film de « coming of age », spécialité américaine sur les premiers amours adolescents. À travers les aventures de Charlotte, dépendante affective dans le déni soutenue par ses deux meilleures amies, la réalisatrice s’amuse à renverser les perspectives, à l’instar de ses personnages en révolte contre le regard des hommes, des femmes et de la société.

 
Suite à sa première rupture amoureuse, Charlotte accepte d’accompagner ses amies Aube et Mégane dans ce qui pourrait être le meilleur remède possible : le grand magasin de jouets en pleine zone industrielle, sorte de hangar géant où ne semblent évoluer que des garçons tous plus charmants les uns que les autres. Une fois embauchées, c’est l’entrée dans un univers magique, rempli de fantasmes et de possibles. Les jeux de séduction entre filles et garçons s’enchaînent comme un ballet, et Charlotte s’en donne à cœur (et corps) joie. Mais bientôt la rumeur de « fille facile » se propage. Alors que Francis est officiellement le séducteur du groupe masculin, la même liberté est un reproche, mêlé de honte, renvoyé à Charlotte.

 
Une fille facile
Furieuse contre cette injustice, Charlotte suit alors les traces de Lysistrata, personnage de la comédie grecque d’Aristophane qui mit fin à la guerre entre Sparte et Athènes, et lance une grève du sexe pour les femmes, qui aura pour conséquence une renaissance de la sororité ainsi qu’une remise en question des jeux de pouvoir dans le groupe. Avec ce geste, elle inscrit, l’air de rien, ce moment de révolte intime dans une histoire qui fait du geste collectif une force politique. Avec ses dialogues mordants et sa fantaisie délurée, le film propose rien de moins qu’un parcours initiatique au féminisme, offrant aux jeunes femmes une liberté qu’elles-mêmes se refusent souvent en premier lieu – ainsi que tout un arsenal dialectique hilarant qui pourrait se révéler utile à chacun. Il ne s’agit pas ici d’opposer garçons et filles ou de rejouer la guerre des sexes, puisqu’ils partagent tous au fond les mêmes envies, mais de remettre en question le système moral dans lequel ils évoluent et qui les regarde.
 
Loin d’être un étendard de l’époque, le film ne s’inscrit pas dans un registre contemporain et naturaliste, mais bien plus comme un conte atemporel, avec son noir et blanc brumeux, ses références à la Callas (qu’écoute passionnément Charlotte), Che Guevara (idole de Mégane) ou Wonder Woman (costume qui va transformer la timide Aube). La réalisatrice Sophie Lorain et sa co-autrice Catherine Léger s’appliquent à inventer une mythologie féminine et guerrière adaptée à des adolescentes modernes, curieuses, intelligentes et grandes gueules. Si leur combat n’a rien de révolutionnaire, il n’en résonne que plus juste par sa légèreté et son périmètre volontairement restreint. Porté par un trio de comédiennes remarquables, Charlotte a 17 ans offre son interprétation, jamais lisse ou attendue, de la comédie générationnelle, teintée d’empowerment et de girl power. Laurence Reymond