CLUB ZERO de Jessica Hausner
Présenté en compétition, le film de Jessica Hausner manque de mordant et se contente de dérouler le récit d’une gourou menant ses élèves sur la voie du jeûne. Il n’y a effectivement pas grand chose à se mettre sous la dent.
D’abord, découpez lentement le morceau de rôti reposant dans votre assiette. Avec votre fourchette, portez-le ensuite vers votre bouche. Maintenant, respirez profondément. Le temps d’assimiler la souffrance de l’animal qui en est à l’origine, l’énergie nécessaire à sa production, les injonctions consuméristes qui s’y logent. Maintenant, mâchez lentement. Vous pouvez désormais avaler. Bravo, vous voici sur la voie de l’Alimentation Consciente ! Mme Nowak (Mia Wasikowska) en a fait son grand précepte. La voici avec de nouveaux adeptes au début de Club Zero : ses élèves du Talent Campus, lycée très chic accueillant les rejetons des classes huppées. L’Alimentation Consciente n’est que le premier enseignement dispensé par Mme Nowak. Elle persuade ses élèves que la survie de la planète, leur bien-être et même la perspective d’une vie éternelle passe par des quantités de nourriture toujours plus réduites, jusqu’à l’observation du jeûne le plus strict.
L’évolution du régime des lycéens est à l’image de Club Zero. À première vue riche et nourrissant, le film de Jessica Hausner n’en finit pas de s’appauvrir au fil du temps. Une demi-heure suffit pour voir la mécanique de la cinéaste autrichienne tourner en rond. La gourou dicte, ses novices suivent, passant rapidement outre les maigres objections qui peuvent être soulevées par ce régime alimentaire un tantinet radical. L’imagerie chrétienne convoquée lourdement à la fin du film le souligne, tout est affaire de foi. En faisant de ses jeunes personnages des moutons menés par une bergère délirante et de la plupart des parents d’élèves des idiots dépassés par la situation (quand ils font cas de ce qu’il se trame), Hausner les réduits à des automates. Aucune scène ne dure, ne s’installe. Toutes sont fonctionnelles et commodes.
Par ce recours à la carte de la facilité, la réalisatrice évite les obstacles et les interrogations. Elle en est fatalement réduite à proposer un objet beaucoup moins provoquant qu’il ne pourrait l’être et bien plus attendu qu’il n’y paraît. Son film est tout aussi convenu pour tourner en dérision les riches, leur hypocrisie et leur tentation de se racheter une bonne conscience à peu de frais. La lame de la satire de Club Zero est émoussée. Laissons à d’autres le soin de l’aiguiser et de l’utiliser avec plus de férocité.