EL AGUA de Elena Lopez Riera
Ceci est l’histoire de trois femmes hantées par un récit d’enfance. L’arrivée d’une nouvelle crue dans un petit village espagnol annonce la disparition de celles qui auraient « l’eau en elles ». À quel point le mythe peut marquer la vie de quelqu’un ? Elena Lopez Riera creuse la question dans un premier long très intriguant et maitrisé à la Semaine de la Critique.
Tout commence sur les sentiers très balisés du premier long cannois : il y a une jeune femme pleine de mystères, l’ennui des étés sans fin au milieu des orangers, quelques fêtes où l’on croise toujours les mêmes copains… Bref, un coming-of-age bien peigné mais qui bifurque rapidement vers autre chose. Tandis que les amis d’Ana, une ado de 17 ans, manifestent leur désir de prendre la tangente, elle, dit avoir peur « de voir tous les jours la même route ». Isabella et Ángela, mère et grand-mère d’Ana, sont les femmes qui ont déjà vécu, celles qui ont déjà vu. L’arrivée de José dans la vie d’Ana précipitera les évènements qui la conduiront à embrasser son propre destin.
El Agua s’appuie sur une solide documentaire. L’œil avisé d’Elena López Riera traque les gestes qui nous racontent les traces du récit dans le visage de ces femmes. Il faut dire que la manière dont fiction et documentaire s’entremêlent est particulièrement fine et intelligente. D’un côté, les plans explicitement documentaires : la crue de la rivière Segura en 1987 et les visages des femmes qui ont connu et souffert le poids de cette fameuse légende. De l’autre côté, les gestes qui révèlent les vérités qui gisent à l’intérieur de ces ces femmes : l’eau qui coule sur le dos d’Ángela pendant qu’elle prend un bain et raconte à Ana les maltraitances qu’elle a subies de la part de son mari et la scène où Isabella posera sa main sur sa hanche après que le père de José lui demande d’éloigner Ana de son fils. Ces deux femmes prendront conscience de leurs souffrances passées avant de transmettre à Ana la possibilité d’un nouveau récit.
Est-ce que la légende a toujours été vraie ou bien, à force de l’entendre, elles ont terminé par y croire ? Le film se pose la question de la vérité ; pas seulement en ce qui concerne son récit, mais aussi par rapport à sa forme. « tout dépend de toi maintenant ».