La Danse des renards de Valéry Carnoy

Film de boxe toujours à la bonne distance de ses personnages (Samuel Kircher formidable en jeune boxeur virtuose en plein doute), LA DANSE DES RENARDS (présenté à la Quinzaine des Cinéastes) renvoie dans les cordes tous les clichés concernant la réussite, les bandes de mecs et la masculinité. Par Léo Ortuno

Caméra embarquée sur le ring, La Danse des renards commence dans le feu de l’action en suivant les coups et esquives de Camille. Jeune boxeur en lycée sport-études, il est le meilleur de son groupe. Après une célébration festive dans le vestiaire et une auto-contemplation devant le miroir, il peut maintenant se tourner vers son avenir tout tracé. Les victoires s’enchainent et, avec encore quelques mois d’entraînements, les championnats de France sont pour lui. Devant la success story annoncée, le film prend rapidement un virage abrupt. Camille a un accident qui compromet drastiquement ses chances de réussite. La Danse des renards devient alors le récit de la reconstruction de son personnage. 

Solide comme un Rocky

Dans la continuité des deux court-métrages qu’il avait déjà réalisés (Ma Planète et Titan), Valéry Carnoy s’intéresse à la masculinité, au groupe et aux corps qui souffrent. Si ce premier long-métrage s’articule autour du destin de Camille, il propose aussi une étude de la bande qui l’entoure. Il y a la grande gueule, les suiveurs, et Matteo, le meilleur ami dévoué qui l’a sauvé de son accident (Fayçal Anaflous). Dans cet internat, faire groupe, c’est traîner et s’entraîner ensemble, mais c’est surtout se montrer fort, intrépide et viril. Pour preuve, la porte des vestiaires en prend sans arrêt pour son grade. Que ce soit pour fêter une victoire ou faire exploser sa colère, elle subit les uppercuts répétés de ces adolescents qui ont de l’énergie à revendre. Quand Camille revient de son accident avec cinquante points de sutures, il est accueilli en héros. Quand il retourne à l’entraînement avec des séquelles psychologiques suite à sa blessure, sa place dans le groupe est compromise.  

Samuel Kircher interprète ce jeune boxeur après avoir suivi un entraînement intensif avant le tournage. Difficile de déceler le vrai du faux tant il est impressionnant d’agilité et de maîtrise. Il est tout autant convaincant lorsqu’il s’agit d’exposer les fragilités de son personnage. La Danse des renards inspecte ces moments de faiblesse où personne ne semble être capable de comprendre les douleurs psychologiques d’un individu. Entre un groupe d’amis qui stigmatise et un entraineur (Jean-Baptiste Durand) qui impose de vaincre le mal par le mal, Valéry Carnoy dépeint une société aveugle aux crises d’angoisse et à la dépression. Au cours d’un énième combat, montré non plus à hauteur des boxeurs sur le ring mais du point de vue de Camille qui regarde au loin, le cinéaste arrive à émouvoir simplement en choisissant la bonne distance pour filmer l’action. 

En explorant le mal-être de Camille, La Danse des renards laisse la place à de nouveaux personnages plus à même de l’aider. C’est ce surveillant (Raphaël Thiéry), aussi imposant que réconfortant, ou cette jeune fille qu’il rencontre au lycée (Anna Heckel). Malgré une part de masculinité bien assumée mettant joyeusement à mal le groupe de boxeurs, elle sait aussi être attentive à la souffrance du personnage principal. Le film joue aussi avec cette figure du renard que Camille et Matteo nourrissent dans la forêt attenante au lycée. Ils sont fascinés par cet animal, qui devient la métaphore de leur amitié au cours de plusieurs scènes qui amènent une dimension plus poétique à l’ensemble du film. En s’inscrivant dans un genre qui a déjà largement fait ses preuves au cinéma, le film de boxe, Valéry Carnoy frappe dans une zone qui n’avait pas encore été vraiment explorée.

La Danse des renards, en salles prochainement.