LE SOLEIL DE TROP PRES : qui es-tu Clément Roussier ?

Dans Le Soleil de trop près, premier long à fleur de peau signé Brieuc Carnaille (en salles le 28 septembre), il impressionne dans le rôle d’un schizophrène qui se démène pour mener une vie normale. Un peu Bebel, un peu Dupontel, Clément Roussier ne rêve pas vraiment d’une carrière d’acteur, mais il a quand même accepté de répondre à la convocation. Sympa. Voici donc son « entretien d’embauche ».

Dans Le Soleil de trop près, votre personnage travaille à un moment comme démarcheur téléphonique par intérim. Comment vous êtes-vous préparé ?
Je n’ai pas vraiment fait de recherches mais j’ai fait ce type de métier comme job étudiant. Je vendais des solutions de protection pour le matériel informatique en zones à risque type abattoirs, grand froid… Je me souviens d’un boulot très chiant, de la difficulté de coincer son pied dans la porte avec des gens qui n’ont pas du tout envie de vous parler, alors que vous n’avez vous-même aucune idée de ce que vous vendez.

Vous ne tenez pas trop à passer de castings non plus ?
Non, ça fait des années que je suis parti vivre en Italie et que je ne passe plus de castings. C’est une position que je trouve compliquée et très désagréable : « Vas-y mets-toi là, profil droit, profil gauche… » Il faut aussi être armé pour faire face à la répétition du « non ». Au moins avec le téléphone, on ne voit pas les gens au bout quand ils nous raccrochent au nez… Parfois, on nous demande aussi d’envoyer des cassettes, je l’ai fait une fois, il y a des années, pour une grosse série américaine dans la veine de Game of Thrones. J’habitais dans un petit studio et je me suis retrouvé à devoir faire une scène de confession, à me filmer à genoux dans la pièce unique, en essayant de prendre un ton dramatique en anglais… Je me suis dit : « Ça s’arrête là. » À mes yeux, il n’y a pas grand-chose de plus laid que de voir quelqu’un en train d’essayer de se vendre.

Quel genre d’élève étiez-vous plus jeune ?
J’ai fait des études en sciences politiques et j’étais un élève assez médiocre, dès le collège-lycée. Au bout de 5 années d’études après le bac, j’ai eu le sentiment d’être resté au même niveau en termes de présence, d’attention… Je me maintenais dans une zone grise, à un niveau où personne ne venait m’emmerder. Certains sont en butte à l’autorité, moi je n’étais même pas réfractaire.

Quelles ont été vos autres activités professionnelles en dehors du cinéma ?
J’ai fait des traductions de poèmes de Charles Bukowski et de Dylan Thomas. Plus récemment, j’ai écrit un livre pour enfants (Sullivan, paru chez EDL en 2020) avec ma compagne (Allegra Pedretti, ndlr) ; et depuis trois ans je prépare un film dans une clinique psychiatrique. Au début, c’était pour préparer Le Soleil de trop près, j’ai animé des ateliers d’écriture vidéo et mon travail avec les pensionnaires s’est développé. On a mis une petite histoire au point qui essaie de traverser le documentaire par la fiction ou l’inverse.

En cas de conflit dans le travail en équipe, comment réagissez-vous ?
Pour moi, le conflit a toujours sonné la fin de quelque chose. Si ça allait trop loin, je considérais que ça ne se dépassait pas. Depuis que je passe du temps dans cette clinique psychiatrique à parler aussi bien avec les pensionnaires que les gens autour, j’ai découvert l’énorme vertu de construction qu’il peut y avoir dans le conflit. Evidemment, ça dépend comment ça se manifeste, mais ça permet d’exprimer des points d’écart que l’on n’aurait peut-être pas su dire autrement. Ça nous oblige à redéfinir les bases de la collaboration tout le temps.

Que diriez-vous de votre collaboration avec votre dernier boss ?
C’était donc Brieuc Carnaille. Je me demandais comment ça allait se passer car c’est quelqu’un qui peut être très silencieux, un vrai solitaire. Et il s’en est vraiment bien tiré avec une équipe de 30 personnes. Dans le monde du cinéma, il y avait des choses qu’il ne connaissait pas et il a été capable de prendre ce qui était nécessaire chez tout le monde en y mettant très peu d’ego, alors que les réalisateurs sont souvent dans cette position très fantasmée du réalisateur-dictateur. Certains ont fait un film et demi et commencent à prendre des attitudes. Brieuc n’a jamais fait ça, il a été d’une grande élégance.