Petra Volpe : « En Première Ligne, c’est aussi un film de guerre»
Cinéaste suisse travaillant entre l’Allemagne et les États-Unis, Petra Volpe s’attaque pour son troisième long-métrage à un sujet brûlant : la crise de l’hôpital, à travers le shift d’une infirmière en pays helvète. Un thriller haletant.
Propos recueillis par Pierre Charpilloz.
En voyant votre film, on découvre que les problèmes de l’hôpital public, dont on parle beaucoup en France, semblent aussi bien présents en Suisse.
Petra Volpe : C’est une crise universelle. Je pense qu’elle n’est pas aussi grave qu’en France, en Angleterre ou aux États-Unis, mais en Suisse aussi, nous sommes confrontés à ce problème. Surtout, j’ai le sentiment que les infirmières ne sont pas prises au sérieux alors qu’elles se battent depuis dix ans pour améliorer leurs conditions de travail.
On pourrait considérer que cette problématique touche l’hôpital en général. Mais, dans le film, c’est le métier d’infirmière qui semble vous intéresser particulièrement…
Parce que dans les médias, et dans la perception qu’en ont les gens, le travail infirmier est décrit comme une aide apportée en coulisses. Le médecin est le dieu, et derrière lui, il y a l’infirmière – qui tombe amoureuse de lui… C’est une déformation totale de la réalité. C’est un travail très exigeant. Ce sont les personnes les plus proches des patients, qui sont les premières à remarquer un changement dans leur comportement.
Vous parlez toujours d’infirmière, au féminin ?
Il faut être clair : aujourd’hui, 80 % des personnes qui exercent ce métier sont des femmes. Et il y a une dimension sexiste inhérente à ce métier. On entend des phrases du genre : « Si tu choisis ce métier c’est parce que c’est une vocation, tu n’as pas besoin de gagner plus d’argent. » C’est du sexisme pur et simple. Le titre original, en allemand signifie « héroïne », parce que j’avais envie de mettre en avant ces femmes. Bon, ça n’allait pas en français, à cause de l’homonymie avec la drogue. En Première Ligne c’est pas mal, ça dit que c’est aussi un film de guerre, à sa façon.
Comment vous êtes-vous intéressée à ce sujet ?
J’ai longtemps vécu avec une infirmière, et j’ai vu comment les conditions se détérioraient. Puis j’ai lu un livre écrit par une infirmière allemande, Madeline Calvelage, qui décrit une journée de travail. Dès la deuxième page, j’étais stressée. Je me suis dit que je voulais faire un film qui procure ce genre de sensation, qui soit une expérience physique.
Avez-vous tourné dans un vrai hôpital ?
Nous avons tourné dans un ancien hôpital, qui allait être démoli. Tout ce qui se trouvait dans l’hôpital avait été envoyé en Ukraine. Nous avons tout recréé. Mon chef déco et moi avons eu l’idée de peindre le sol en blanc, comme une patinoire, car Floria est comme une patineuse artistique.
Vous pensez que ce film va permettre de contribuer à améliorer la situation, en Suisse et peut-être ailleurs ?
Je ne suis pas naïve, je sais qu’un film ne peut pas changer le monde. Mais En Première Ligne participe de la lutte des infirmières pour de meilleures conditions de travail. En Suisse, de nombreux hôpitaux ont organisé des projections pour leur personnel et leur direction. Pour ce qui est des patients, il y a de plus en plus de violences envers les infirmières dans les hôpitaux, et j’espère que le film permettra un peu de sensibiliser les gens.
En Première Ligne, en salles le 27 août.