NOSTALGIA 2022 de Mario Martone Pierfrancesco Favino. d’apres le roman de Ermanno Rea based on the novel by Ermanno Rea COLLECTION CHRISTOPHEL © Mario Spada – Mad Entertainment – Picomedia – Medusa Film – Rosebud Entertainment Pictures

Pierfrancesco Favino : « Il fallait frapper aux portes des habitants pour aller aux toilettes »

Il était impressionnant dans Le Traître de Bellocchio, Pierfrancesco Favino revient ce 23 novembre dans Nostalgia, ballade hantée dans les faubourgs de Naples. Petit café ristretto et point d’étape avec ce comédien XXL.

Comment s’est passé le tournage, au cœur de Naples ?
C’était la première fois que je tournais à Naples. Ce qui m’a surpris c’est qu’en deux semaines, je me suis senti chez moi. Ça a évidemment changé mon point de vue sur la ville mais surtout sur la Sanita qui est un quartier extrêmement vivant et parfois dangereux, même si pour ma part ça a été. C’est un quartier un peu étroit, où l’on peut sentir la terre. À Naples, il y a la mer partout, sauf là-bas. Et puis, on a tourné ce film d’une manière très particulière, en toute petite équipe. On n’avait pas de loges ni rien : il fallait frapper aux portes des habitants pour aller aux toilettes ! Tous ont été incroyablement généreux, ils ouvraient la porte, offraient du café… 

Dans Nostalgia, vous croisez ce personnage de prêtre pris entre la mafia et l’Église, qui est très présente…
C’est un vrai prêtre qu’on a rencontré avec Mario (Martone, le réalisateur, ndlr) quand on faisait le tour de la ville. Il ne correspond pas du tout à l’image qu’on se fait généralement d’un prêtre. C’est un manager, un boss très fort, avec une vraie mentalité de chef d’équipe. D’ailleurs, il était manager avant de devenir prêtre. Il travaille – parce que c’est un travail –, dans une situation très périlleuse et il a réussi à changer beaucoup de choses. Quand tu te promènes dans ce quartier tu sens que tu peux être à la fois en danger ou accueilli : on voit ça dans le film et c’est une des contradictions que le personnage traverse… 

Nostalgia de Mario Martone (2022)

Qu’est-ce que vous avez retenu en travaillant avec Bellocchio sur Le Traître ? 
Bellocchio, c’est surtout un peintre qui voit le monde très personnellement. Je venais sur le tournage même quand je n’avais pas de scène, juste pour le regarder travailler et ça m’a fait changer beaucoup de choses dans mon approche. Quand il rentre sur le plateau, il peut tout d’un coup s’intéresser à, mettons, une fleur… Il a beau avoir écrit une scène, il peut la transformer à cause d’un détail et j’aime beaucoup cette liberté de l’artiste capable de changer de point de vue. À 83 ans, c’est encore lui le plus moderne et jeune. 

Y a-t-il eu des réactions de la mafia après Le Traître ? 
Non pas trop, ils n’ont pas peur de moi, ils n’ont pas eu besoin de me dire quoi que ce soit. En plus c’est l’histoire d’une mafia qui n’existe plus, je pense. La mafia est devenue plus internationale. On sait que le succès du film a été énorme, surtout chez les jeunes. On a reçu beaucoup de lettres d’enfants, je n’aurais jamais pensé cela. Pour nous, le juge Falcone est devenu un héros. Et c’est important que les jeunes générations connaissent cette histoire.

Le cinéma italien a beaucoup souffert de la pandémie et de l’émergence des plateformes. Est-ce que ça peut bouger dans le bon sens ?
Oui, je crois que ça va changer, j’ai la sensation que le public va être un peu fatigué par les fictions type Amazon, etc. Donc, ils vont revenir au cinéma, à la salle mais je ne sais pas quand. Je crois qu’il faut enseigner le cinéma dans les écoles, dès l’enfance. Pas seulement leur montrer des films mais aussi en tourner. En Italie, il y a une association d’acteurs dont je fais partie qui s’appelle U.N.I.T.A. Pendant la pandémie, on a été écoutés par le ministère et ça commence à bouger. On travaille là-dessus avec Stefano Accorsi, Luigi Lo Cascio et plus de 1 300 autres acteurs italiens. L’objectif, c’est de s’occuper des collègues qui n’ont pas la chance qu’on a et en même temps d’aider la société en général par rapport à notre métier. Ce n’est pas un syndicat, ça y ressemble. L’idée c’est d’aider à prendre des décisions, participer à la vie publique et politique… On verra ce que ça donne !