Que ma volonté soit faite de Julia Kowalski

Avec son deuxième long-métrage, Que ma volonté soit faite, la réalisatrice franco-polonaise Julia Kowalski réaffirme ses deux ambitions cinématographiques : donner une voix à sa communauté d’origine et raconter la sexualité féminine par le prisme du satanisme. J’ai vu le visage du diable, son court-métrage précédent, nous offrait un avant-goût de l’univers très personnel de la cinéaste, travaillée par les questions d’hérésie et de désir ; dans ce nouveau film, Julia Kowalski persiste, signe, et s’impose comme une réalisatrice visionnaire à suivre de près. Par Lena Haque

Satanisme et punk polonais

Dans un petit village français au paysage terne, Naw, la cadette effacée d’une famille d’immigrés polonais, aide son père et ses frères à faire tourner leur exploitation bovine. Secrètement, elle craint de finir comme sa mère décédée (folle, impie ou bien les deux, on ne saura jamais vraiment). Le retour au village de Sandra, une jeune femme à la réputation douteuse et au caractère bien trempé, fait basculer sa vie. Au cinéma, la métaphore du satanisme pour raconter l’émancipation féminine (et féministe) n’est pas nouvelle ; avant Que ma volonté soit faite, il y a eu The Witch,et, évidemment, Possession, à qui le film de Julia Kowalski emprunte son côté halluciné et sa sexualité monstrueuse. Malgré ces références poids-lourds, la cinéaste réussit néanmoins à faire souffler un vent nouveau au pays des sorcières, grâce à une esthétique plus punk et plus radicale, à l’âpreté réjouissante. Finis les silences lourds de sens et les images ciselées, place au rock et à la gadoue ! Des courses en voiture au milieu de la nuit à un mariage polonais tonitruant, le film n’a pas peur de se salir les mains, et brûle d’une énergie troublante, sur fond de riffs criards à la guitare électrique.

Un film ultra-sensoriel

Si le film se vautre allègrement dans la boue, les fluides animaux et le sang, c’est aussi pour coller au plus près au ressenti corporel de son héroïne taiseuse, écartelée entre son désir naissant et sa moralité ; Maria Wróbel, qui tenait déjà le rôle principal dans J’ai vu le visage du diable, livre ici une performance très physique, qui nous prouve que décidément, elle excelle en tant que jeune damnée. Dans le rôle de sa voisine troublante et rebelle, Roxane Mesquida, qui flirte avec le diable depuis Sheitan et Sennentuntschi, est tout aussi électrique, et trouve le juste milieu entre tentation et vulnérabilité. Loin d’être volontairement obtus, le film conserve de bout en bout une grande empathie pour ses héroïnes qui, derrière leur côté mystique, sont surtout confrontées au poids de l’obscurantisme, à l’aliénation domestique et aux violences sexuelles. En filmant l’occulte dans tout ce qu’il a de transgressif, de dérangeant mais aussi de profondément contemporain, Julia Kowalski nous prouve que les films sur la sorcellerie ont encore beaucoup à nous offrir, et confirme sa place parmi les cinéastes de genre les plus intéressantes du moment.


Que ma volonté soit faite, en salles prochainement.