Riverboom de Claude Baechtold

Un an après les attentats du 11 septembre, le photographe Claude Baechtold se laisse embarquer par deux reporters risque-tout dans un périple à travers l’Afghanistan en guerre. Par Léo Ortuno

Il y a quelques années, Claude Baechtold reçoit un appel d’un vieil ami l’informant qu’il vient de retrouver un sac de bandes vidéo à développer. C’est le journal de bord d’un séjour entrepris vingt ans plus tôt en Afghanistan. Il se replonge dans ses rushs et façonne Riverboom, un documentaire difficilement imaginable aujourd’hui dans un pays retombé aux mains des talibans depuis 2021. À l’époque du voyage, en 2002, la situation est presque inversée : une coalition menée par les États-Unis vient de destituer les talibans. Le journaliste Serge Michel, tout juste auréolé du prix Albert-Londres, se rend sur place et embarque avec lui le photographe italien Paolo Woods et le jeune Claude Baechtold. Ce dernier n’est pas encore cinéaste et paraît ne pas avoir grand-chose à faire sur le territoire afghan. Il commence comme chauffeur et finit presque accidentellement par documenter le road-trip aux quatre coins du pays. Ses premiers essais derrière la caméra démarrent sans réussir à activer le son, mais il prend rapidement du gallon à mesure que le trio s’éloigne de Kaboul pour aller dans des territoires plus reculés.

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Riverboom prend le temps de s’arrêter rapidement sur l’histoire de l’Afghanistan, mais son véritable sujet n’est pas dans cette approche pédagogique. Claude Baechtold livre avant tout un film d’aventures. Son point de vue, légèrement naïf sur un territoire inconnu, est un parfait point d’entrée dans le film. Convoquant régulièrement ses origines suisses protestantes, il est loin d’être rassuré par les différentes péripéties qu’ils traversent. Serge Michel et Paolo Woods ont plus d’expérience sur le terrain mais le voyage n’en est pas moins rocambolesque. Le trio semble avancer au gré du hasard et des rencontres où l’on croise, pêle-mêle, des hommes politiques locaux, des navy américains, des brigands ou des talibans en plein désert.

À cette diversité des visages, fait écho la variété des moyens utilisés pour raconter l’expédition afghane. La petite caméra de Claude Baechtold fournit la matière principale mais Riverboom s’enrichit aussi des photographies qu’il a prises, ainsi que de celles de Paolo Woods. En ajoutant à cela archives, cartes, schémas et une bande-son vitaminée, le périple avance à un rythme haletant. Si la situation en Afghanistan est dramatique (le pays est jonché de mines, les femmes sont presque absentes des rues), le film trouve un ton bien à lui, à rebours du sérieux attendu. Au contraire, Riverboom s’applique à garder une légèreté et un humour à toute épreuve. Le réalisateur nous guide à travers son documentaire à l’aide d’une voix off, qui prend en charge la plupart des moments comiques. Écrite des années après le tournage, elle apporte une distance qui permet à Claude Baechtold d’expliquer certaines situations, mais surtout de s’amuser des mésaventures rencontrées sur la route. Derrière l’autodérision et la jovialité apparente, il livre aussi un récit intime en faisant de son expédition le territoire d’une paix retrouvée suite au décès prématuré de ses parents. Avec ce film de deuil niché dans un buddy-movie réjouissant, Riverboom offre un généreux mélange des genres d’une efficacité imparable.

Riverboom, en salles le 25 septembre.