COLLECTION CHRISTOPHEL © Paramount Pictures – The Montecito Picture Company – Skydance Media – Seven Bucks Productions BAYWATCH: ALERTE A MALIBU (BAYWATCH) de Seth Gordon 2017 USA avec Dwayne Johnson naitre nageur, sauveteur d’apres ALERTE A MALIBU (BAYWATCH) série TV créée par Michael Berk, Gregory J. Bonann, Douglas Schwartz 1989-2001

THE ROCK : Champion du peuple

L’ancien catcheur hawaïen Dwayne Johnson enquille les blockbusters pour rester l’un des acteurs les mieux payés du monde. Il est actuellement à l’affiche de Black Adam de Jaume Collet-Serra, en salles ce 19 octobre. L’occasion de revenir sur le parcours du colosse qui, il y a quelques mois, attisait bien des rumeurs. Certains voyaient déjà The Rock marcher dans le sillage politique de Schwarzenegger et devenir carrément le prochain président américain. Tout sauf une dystopie délirante, au pays de Trump et Reagan.

Internet a beau être le rendez-vous des cinglés et de tous les ragots de la terre, on ne s’attendait pas à ceux-là. Depuis 2016, un groupe d’énergumènes interpelle l’acteur Dwayne « The Rock » Johnson sur les réseaux sociaux et lui bâtit un programme politique sérieux en vue d’une future candidature à l’élection présidentielle américaine. « Dwayne Johnson doit voler au secours de notre nation en se présentant en tant qu’indépendant ou à la tête d’un nouveau parti, tonnent les créateurs du site Dwayne For PresidentNous avons besoin d’un leader charismatique, unanimement apprécié et digne de confiance, qui utilisera son courage et sa détermination pour unir le peuple américain. Dwayne Johnson est notre seul espoir. » Mais ce groupe d’idolâtres est-il si isolé ? Outre-Atlantique, de nombreux sondages indiquent qu’un nombre croissant de citoyens soutient ouvertement l’acteur le mieux payé d’Hollywood en vue des prochaines présidentielles. Voilà la nouvelle étape du destin complètement hors norme de Dwayne Johnson, propulsé en quelques décennies des quartiers modestes de Hawaï aux plateaux huppés de Hollywood, en passant par les pelouses universitaires de foot américain et les rings de catch les plus prestigieux du pays. En attendant une éventuelle entrée triomphale au salon ovale de la Maison-Blanche, le scénario a déjà restauré l’image d’un rêve américain abîmé par le temps. Et puisqu’il n’y a jamais de hasard, il n’est finalement pas étonnant que ce soit Dwayne Johnson qui en soit devenu, aujourd’hui, l’incarnation la plus accomplie.

Bons baisers de Hawaï
Du plus loin qu’il se souvienne, Dwayne Johnson a toujours été au centre des attentions. Il suffit d’imaginer un beau bébé de 1 mètre 80 et près de 80 kilos au milieu de ses petits camarades de treize ans pour comprendre. Alors, forcément, certains cherchent à le provoquer. « La rumeur courait qu’un garçon plus âgé nommé Billy souhaitait en découdre avec moi à la sortie des cours, se remémore Dwayne Johnson dans son autobiographie, parue en 2000. Je n’avais jamais eu d’histoires avec ce type mais mon gabarit semblait être une raison suffisante. » Pas du genre à chercher les embrouilles mais pas non plus de ceux qui se laissent intimider, la future star du catch se pointe au rendez-vous avec un ami qui décampe à la vue de la vingtaine de « grands » qui les attendent au coin de la rue. Dur à cuire, Dwayne ne recule pas d’un iota et, sans autre forme de préambule, dégaine les premiers coups de poing. Mais très vite, les renforts arrivent. The Rock se souvient : « Un grand coup dans l’oreille, un dans l’estomac, c’était Pearl Harbor, je me suis fait botter le cul ! » À terre, les coups continuent de pleuvoir. Un ado tout droit sorti d’Outsiders sort une lame. « Fais pas le con, tu vas retourner en prison ! », préviennent les copains. La bande se disperse. À la vue de son fils couvert de bleus et humilié, l’illustre Rocky Johnson ˗ ancien sparring partner de George Foreman et premier Afro-Américain à devenir champion du monde de catch au début des années 80 ˗ décide de régler l’affaire de manière très personnelle. Quelques jours plus tard, il débarque devant la Washington Middle School d’Hawaï à bord d’une grosse Cadillac aux vitres teintées. « Une arrivée comme dans un western avec Clint Eastwood, commente Dwayne Johnson, avec le vent qui hurle à travers la plaine et les méchants qui se décomposent à la vue du justicier. » Après lui avoir passé un savon, il propose un combat au couteau au garçon à la lame, qui préfère s’abstenir. Il invite ensuite la bande à défier son fils au corps-à-corps, un par un cette fois-ci. Mais là encore, pas de réponse.

Dwayne Johnson et Jason Statham dans Fast & Furious : Hobbs & Shaw de David Leitch (2019)

Une virée en ville avec Downtown Bruno
Au milieu des années 80, coup de tonnerre dans la vie d’adolescent de Dwayne : les Johnson, en proie à des difficultés financières, doivent quitter Hawaï. En 1987, les plus grandes heures de la carrière de son père Rocky sont derrière lui, et il accepte de défendre l’une des équipes de catch les moins payées du pays, à Nashville, Tennessee. Le temps de trouver un logement, il confie son fils à Bruno Lauer, arbitre, manager et ami de longue date. « Je n’étais pas un exemple reluisant pour un garçon de quatorze ans, écrit Lauer dans son autobiographie. Je me grillais un paquet et demi de Newport par jour et il n’était pas rare que je les accompagne d’une quinzaine de bières. » À Music City, Bruno et son garde du corps de quatorze ans écument les honky tonks, ces troquets du quartier mal famé de Lower Broadway, alors fréquenté par des prostituées, des ivrognes, des mendiants et tout ce que la ville compte de voyous. « Nous formions un duo de choc : j’aimais boire et il aimait conduire », se rappelle Bruno, pas embêté de laisser le volant à un mineur sans permis. Un soir, la paire tombe sur Rocky Johnson, furieux, qui leur fait promettre de ne jamais recommencer s’ils ne veulent pas finir en prison. Un avertissement tombé dans l’oreille d’un adolescent et d’un pilier de comptoir. Quelques semaines plus tard, Bruno et Dwayne font la rencontre d’un junkie particulièrement pressé qui les supplie d’acheter sa voiture contre 60 dollars. La vieille Ford LTD les attend dans un parking, cabossée sur tous les flancs, avec en prime, un sac poubelle en guise de fenêtre passager et un tas de fringues sales sur la banquette arrière. « Dwayne la voulait à tout prix et à ma grande surprise, l’épave a démarré du premier coup », se souvient Bruno Lauer qui offre alors à son protégé sa première voiture. Sur le chemin du retour, le tas de fringues sales se révèle être un vieux junkie, que Dwayne s’empresse de dégager. Intimement convaincu qu’il vient de faire l’acquisition d’une voiture volée, il finit par abandonner le véhicule sur le parking d’un Burger King. Des années plus tard, la star hollywoodienne offrira un pick-up Ford flambant neuf à son vieux complice, qui briguait alors une place au conseil municipal de Walls, Mississippi. De quoi soigner l’ancrage local du futur candidat ? 

Seven Dollar Baby
Pour l’heure, Dwayne Johnson sillonne le pays avec sa famille et traîne son caractère de mauvais garçon sur les bancs d’un quatrième établissement en trois ans. C’est à la Freedom High School, Pennsylvanie, en 1988, qu’il fait une rencontre décisive. Pris en flagrant délit dans les toilettes des professeurs par le coach de l’équipe de football américain, Dwayne Johnson ignore les réprimandes de son supérieur et termine tranquillement sa petite affaire avant de le bousculer en sortant. Un peu honteux d’avoir défié une telle figure d’autorité, il s’excuse dès le lendemain. Contre toute attente, le coach accepte ses excuses et propose à l’adolescent rebelle de 1 mètre 93 et plus de 100 kilos de rejoindre l’équipe du lycée. « Pour la première fois de sa vie, Dwayne a pu canaliser sa force et diriger son trop plein d’énergie vers des buts tangibles, commente le journaliste James Romero, qui a récemment publié une biographie de Dwayne Johnson. Le football lui a offert une passion et l’opportunité d’étudier à l’université, une première dans sa famille ! » Malgré les défaites à répétition et quelques altercations avec certains de ses coéquipiers qui l’accusent de prendre des stéroïdes, le garçon brille en tant que capitaine et attire les universités les plus prestigieuses du pays. Recruté par les Hurricanes de Miami, il étudie les matchs, apprend par cœur les stratégies et devient un monstre de travail et de détermination. Miné par les blessures, Johnson ne se frayera cependant jamais un chemin vers l’élite. « Il a raté cet objectif en réalisant un jour qu’il n’était juste pas assez bon, analyse le présentateur star Chris Van Vliet, devenu proche de l’acteur. Je pense que ça a allumé en lui une flamme, celle d’en atteindre d’autres et d’avoir encore plus de succès. » Après un bref passage par la Ligue canadienne, marqué par la dépression, le futur The Rock rentre chez ses parents en 1995 avec sept dollars en poche. Une somme qui participera à inscrire sa légende dans les bouquins de développement personnel et qui donnera son nom à la société 7 Bucks Productions, avec laquelle l’acteur produit la majorité de ses succès depuis 2012. Aux abois, Dwayne Johnson est au moins riche d’une conviction : puisque le catch coule dans ses veines, il ferait mieux de commencer à s’entraîner. 

Dwayne Johnson et Emily Blunt dans Jungle Cruise de Jaume Collet-Serra (2021)

Trop extraordinaire pour être hué
« Dwayne Johnson est né pour devenir catcheur professionnel, confirme James Romero. Son père était catcheur professionnel, tout comme son grand-père “High Chief” Peter Maivia. Son intégration sur le circuit s’est donc faite de manière naturelle. » Coaché et introduit par son père, Dwayne Johnson gravit les échelons à une vitesse impressionnante. Un an après son premier combat en 1996, celui qui se fait encore appeler Rocky Maivia, en clin d’œil à son double héritage, est champion intercontinental, l’un des titres les plus prisés de la WWE, organisation reine de l’écosystème du catch. Un gros problème subsiste : le jeune prodige est mal-aimé du public, qui accompagne chacune de ses apparitions de « DIE ROCKY DIE » ou de « ROCKY SUCKS ». « À l’époque, les catcheurs de la WWE expérimentaient de nouvelles postures, plus agressives, raconte Dwayne Johnson. Mon rival Stone Cold Steve Austin était le antihéros idéal, qui n’hésitait pas à faire des doigts d’honneur aux fans quand mon personnage était tout droit sorti de l’ancienne école, le genre de type honnête, qui aide les vieilles dames à traverser au passage piéton. » Puisque le public le déteste, les scénaristes de la WWE décident d’exploiter le filon en faisant de leur catcheur star un parfait salaud. Après une scène de trahison bien orchestrée, Rocky Maivia rejoint à l’été 1997 la Nation of Domination, qui regroupe les plus mauvais garçons du circuit. Le divertissement est total. « C’est lors de cette période que je suis devenu fan de catch, se souvient Chris Van Vliet. Les personnages étaient incroyables, bigger than life, et le charisme de The Rock ˗ sur et en dehors du ring ˗ était tout simplement magnétique. » Trop extraordinaire pour être hué, Rocky Maivia devient The People’s Champion et The Rock. Son légendaire haussement de sourcil et ses gimmicks, « Do you smell what The Rock is cooking ? » ou « Smackdown », emprunté au rappeur Dr. Dre, font une entrée fracassante dans la pop culture. Multiple champion du monde de catch, au sommet de son art, The Rock part à la conquête du cinéma. 

Dwayne Johnson et Madison Pettis dans Maxi Papa d’Andy Fickman (2008)

Tutus roses, bagnoles furieuses et rêve américain

Car pour Dwayne Johnson, le catch est déjà devenu trop petit. Mais s’il est une légende sur les rings, Hollywood ignore tout de ce showman au charisme de guerrier et à la dégaine de bodybuilder. « Quand il a quitté le catch, il a dû recommencer, partir de rien et se réinventer, se souvient Chris Van Vliet. Si vous regardez le début de sa carrière, vous verrez qu’il a joué dans des films modestes, voire ratés. » Grâce à sa réputation, la marche n’est cependant pas si difficile à franchir, et pour faire ses classes, il obtient quelques apparitions dans des séries comme That ‘70s Show (1998), Star Trek: Voyager (2000) et surtout, dans le Saturday Night Live qui lui permet d’être remarqué pour un second rôle dans Le Retour de la momie (2001). Quelques mois seulement après cette première expérience réussie, The Rock obtient son premier rôle principal, dans Le Roi Scorpion (2002). « The Rock a été capable de franchir les étapes rapidement, poursuit Chris Van Vliet. Il a même établi un record, celui du plus gros salaire pour un premier rôle. » Mais si Hollywood semble désormais lui ouvrir grand ses bras, c’est pour mieux l’enfermer dans un personnage. « Peu après le début de sa carrièreon a essayé de faire de lui un père de famille idéal à l’écran, on ne voulait pas qu’il soit The Rock, mais Dwayne Johnson. Et ça lui a demandé beaucoup d’efforts. » Sur le tournage de Fée malgré lui (2010), la légende du catch se retrouve même en tutu, des ailes dans le dos et doit perdre plusieurs kilos : le film réalise un carton mondial.

C’en est pourtant trop pour Dwayne Johnson, qui n’a pas l’habitude de se soumettre et décide de reprendre son destin en main. « The Rock était insatisfait de sa carrière et il a pris un nouvel agent, raconte Chris Van Vliet. Dwayne lui a dit : “Je veux avoir la carrière de Will Smith, mais en plus grand. On lui a répondu : “Tu es The Rock ! Tu es le héros de film d’action moderne, le nouvel Arnold Schwarzenegger ! Sois aussi grand que tu peux le devenir.” » À partir de 2010, le changement est sensible : finies les comédies à la Maxi Papa (2007), place aux franchises à succès et aux films d’action. Dès 2011, il intègre la distribution de Fast and Furious et les projets se multiplient. Gi Joe (2013), Jumanji (2017), Rampage (2018) sans oublier, bien sûr, les opus suivants de la saga de bagnoles rapides et furieuses. Comme le catch, le cinéma n’a pas résisté à Dwayne Johnson que l’on surnomme maintenant le Franchise Viagra« Il est l’une de ces personnes qui, quand elle se fixe un objectif, ne laisse rien se mettre sur son passage tant qu’elle ne l’a pas atteint, s’exalte Chris Van Vliet. Tout ce qu’il touche se transforme en or. » Au passage, la machine à billets fonctionne aussi à plein régime pour Dwayne Johnson, devenu l’acteur le mieux payé au monde en 2016 et 2019, selon le magazine Forbes. Pour beaucoup, The Rock s’impose alors comme l’incarnation de ce rêve américain élevé à valeur quasi constitutionnelle. « Je crois que Dwayne Johnson en est le meilleur exemple, s’anime encore Van Vliet. Le rêve américain, c’est ça : prenez sept dollars et beaucoup d’ambition, et vous pouvez en faire ce que vous voudrez. »

Maxi Papa d’Andy Fickman (2008)

The Rock Président
Mais là où l’argent aurait pu faire tourner sa tête, Dwayne Johnson semble être resté lui-même et ses accès de bonté ne se limitent pas à ses proches. « Ses actes de gentillesse ordinaire sont pour moi les choses les plus marquantes à son sujet, illustre Merc Arceneaux, qui le maquille depuis 2017. Après un interminable jour de tournage, il trouve toujours du temps pour sortir de sa voiture et prendre des photos avec les gens qui ont passé des heures à attendre de pouvoir seulement l’apercevoir. » En réalité, Dwayne Johnson est, d’une certaine manière, un génie du social. « Si votre héros est Dwayne Johnson, alors vous devez tout faire pour le rencontrer, s’enflamme Chris Van Vliet. Il est gentil, drôle, charismatique et très conscient de lui-même : il sait faire de votre entrevue, même si elle dure vingt secondes, quelque chose dont vous vous souviendrez toute votre vie. The Rock est sincère, il ne joue pas un rôle et cette authenticité attire les gens. » Bref, l’opinion publique est unanime. Visiblement adepte d’aphorismes, James Romero résume : « Les femmes l’aiment et les hommes veulent lui ressembler. »

Mais cet engouement ne se limite plus simplement à une adulation innocente : si le Time Magazine l’a intégré en 2016 et 2019 à son classement des cent personnes les plus influentes, c’est aussi parce que les Américains le verraient bien s’attaquer à des vocations plus larges ; en un mot, politiques. Le 4 juillet dernier, un panel de 20 000 lecteurs américains du magazine Newsweek désignait la star qui devrait se présenter à la prochaine élection présidentielle. Parmi les répondants, 46 % ont plébiscité Dwayne Johnson, premier placé, devant Angelina Jolie avec 30 % et Oprah Winfrey, 29 %. Quelques mois plus tôt, en mai 2020, un autre sondage Newsweek avait révélé que Dwayne Johnson était la troisième personnalité la plus soutenue en marge de la campagne présidentielle, juste derrière Joe Biden et Donald Trump. Il faut dire que The Rock lui-même caresse cette possibilité depuis un certain temps, au point de l’avoir ouvertement évoquée à plusieurs reprises ces dernières années. En 2016 déjà, pour le magazine British GQ, il confiait qu’il « ne pouvait nier que l’idée de devenir gouverneur ou président était séduisante » et que « ce serait une opportunité d’avoir un impact réel sur la vie des gens à une échelle plus large ». Dwayne Johnson est revenu à la charge en 2020, en apportant son soutien à Joe Biden et Kamala Harris, au terme d’une vidéo aux allures de discours de politique générale. Très récemment, dans l’émission Sunday Today, The Rock a sérieusement répondu à l’engouement populaire : « J’ai l’objectif d’unir le pays, et j’ai aussi le sentiment que si c’est ce que veut le peuple, alors j’essaierai. » Dans la série Young Rock, produite en 2021, l’acteur américain se projette même directement à la Maison Blanche. « Elle se passe en 2032, il est Président et il s’adresse au Dwayne du passé, rapporte Chris Van Vliet. Il a vraiment cette possibilité en tête. »  

Dwayne Johnson dans Be Cool de F. Gary Grey (2005)

« Do you smell what The Rock is cooking ? »
« Sa candidature ne serait pas du tout absurde, éclaire Lauric Henneton, maître de conférences à l’université de Versailles et spécialiste des États-Unis. Elle s’inscrit dans une tradition d’implication d’acteurs ou d’artistes dans la vie politique. Du fait de leur notoriété, ils ont une grosse longueur d’avance, ce qu’on appelle le name-recognition. Et si en plus, ils ne jouent pas des méchants sanguinaires, ils ont aussi une cote de sympathie. Dwayne Johnson, ce n’est pas Christopher Walken : il faut vraiment habiter dans une caverne pour ne pas savoir qu’il est sympathique et qu’il joue des rôles sympathiques. » Pour conquérir les foules, The Rock peut également compter sur son physique avantageux. « Il est travailleur, il est droit, il a du talent, et à côté de ça, il est beau gosse, s’amuse le catcheur Mark Henry dans une interview accordée au média Vlad TV. Je déteste les beaux gosses : putain, les hommes ne devraient pas être beaux, ils devraient être rugueux et rustiques» Derrière la boutade, une image d’Épinal, celle du gabarit athlétique, une forme d’idéal masculin qui parcourt l’imaginaire américain. « Une partie de l’Amérique a un besoin de virilité, expose Lauric Henneton. Reagan a beaucoup profité de son image dans la série Law and Order, celle d’un shérif qui remet de l’ordre dans des cités fragiles. Ce profil correspond à des projections qui sont encore présentes parmi les Républicains. » Mais Dwayne Johnson correspond également à une réalité contemporaine, qui s’accommode des nouvelles revendications de la gauche. « Il a aussi un capital sympathie dans la “wokosphere”, ce n’est pas Chuck Norris, conclut Lauric Henneton. Ce n’est plus tant une question de physique que de ce qu’on en fait. »

Dans cette lignée, Dwayne Johnson tient en réalité plus du Governator que du cowboy Président Téflon. James Romero rapproche les deux hommes musclés : « The Rock et Arnold Schwarzenegger ont tous les deux un corps énorme, une vie incroyable, une bonne personnalité et une vision assez modérée de la politique» Lauric Henneton corrobore : « Contrairement à Reagan, qui a été syndicaliste et Gouverneur de Californie, Schwarzenegger est arrivé sans avoir de rôle politique auparavant : ce serait le cas de Dwayne Johnson. » Cela étant, l’actualité politique et la jurisprudence Trump viennent absoudre The Rock de son inexpérience. « Un précédent a été établi avec Donald Trump, rappelle Chris Van Vliet. Que vous le vouliez ou non, on n’a plus besoin d’expérience pour devenir président des États-Unis. »Par ailleurs, le climat de tension qui règne outre-Atlantique entrouvre une porte. Lauric Henneton : « En ce moment, il y a une forme de dégagisme, de défiance à l’égard des institutions, une volonté d’échapper à un jeu qui semble truqué, contre l’intérêt des vrais gens. Or, être acteur, c’est un badge de pureté et d’innocence : ils ne font pas partie d’un camp et se présentent au nom de l’intérêt général. Et les États-Unis sont le pays d’Hollywood : on verrait plus Dwayne Johnson faire une carrière politique que Francis Huster. » En somme, pour The Rock, plus rien ne semble impossible, d’autant que sa trajectoire vient rappeler qu’il n’y a pas meilleur pays pour réaliser les rêves les plus fous. La part de légende existe, bien sûr, mais à ceux qui douteraient encore de la capacité de Dwayne Johnson à franchir une marche supplémentaire, une réponse s’impose : « Do you smell what The Rock is cooking ? » Article paru dans Sofilm n°86, 2021. Propos recueillis par L.A et V.L. sauf mentions.