Berlin Boys de David Wnendt

Été 2003. Au milieu de la chaleur torride dans une banlieue de Berlin, trois garçons – Lukas, Gino et Julius – font face aux défis de l’adolescence. Retour sur le 5ème long métrage de David Wnendt. Par Jeanne André.

C’est dans un Berlin fracturé, presque crade, que l’on découvre les boys du quartier. L’image est crue, la violence exacerbée. Dans la banlieue réchauffée règnent trafic de drogue et chaos. Perdus dans le tourbillon de ce rythme effréné, Lukas, Gino, Julius et Sanchez, 15 ans à peine, essaient tant bien que mal de s’en sortir. Ils n’ont presque rien mais rêvent de tout. Empêtré dans des conflits mêlant honneur et argent, Lukas doit trouver 500 euros au plus vite pour rembourser un dealer. Encore en transit entre les bacs à sable et l’école de la rue, les pseudo-gangsters sont fréquemment rappelés à l’ordre par leurs parents. Extirpés de leur Full Metal Jacket world, on esquisse un sourire en assistant à la réconciliation forcée de Lukas et du chef de gang, organisée par la mère de ce dernier. Tous se laissent entraîner dans la spirale infernale de la délinquance, et on suit avec attention leurs magouilles, qui deviennent de plus en plus sérieuses – si ce n’est foireuses. L’image est granuleuse, la caméra tremble. Le film s’ouvre façon clip de rap, les personnages nous sont présentés un à un tels des bad boys, avec des grosses chaînes en argent sur un fond de rap allemand bien agressif.

Gangs of Berlin

Mais plus en profondeur, Wnendt nous rend sensible à cet environnement, à ces adolescents hyper-violents dont les traits sont amplifiés. Très loin du teen-movie classique, c’est d’abord la fragilité de ces Berlin boys qui nous prend en otage. Au milieu de cette précarité et de cette violence, les garçons sont soudés. Leurs liens sont forts. Marqués par des parcours glaçants, leur jeunesse persiste malgré tout et se traduit par des plaisanteries graveleuses, une naïveté adolescente, ainsi que par cette envie constante de faire la fête et de draguer des filles. Et malgré des pères violents ou absents, des mères disparues et de sérieux problèmes d’argent, le quatuor s’amuse comme n’importe quel groupe du même âge. Ou presque. Ils sèchent les cours, mentent à leurs parents, testent leurs limites : comme tout bon adolescent qui se respecte, en somme, avec néanmoins plus de drogues et d’alcool que la moyenne. Mais si ces scènes de fêtes sont joyeuses et pleines de vie, Lukas, comme les autres, sont systématiquement rappelés à leur réalité. La terreur plane. À la façon de Run and Kill, le thriller policier de Billy Tang, ses ennemis surgissent à n’importe quel moment. Se retrouvant happé dans un conflit qui le dépasse, il doit se frayer un chemin pour limiter la casse. 

Véritable western des temps pas si modernes – à en juger par la sonnerie de Nokia 3310 qui résonne et par la faible place qu’occupe la gent féminine –, Berlin Boys parvient tout de même à taper pile là où il faut, comme le fait le chef de gang dans l’arcade sourcilière du jeune Lukas. Ici comme dans le far west, tout est histoire de duels et de regards plissés dans un quartier qui apparaît comme totalement délabré par la casse des services publics ; l’école en premier lieu. Adolescence en perdition, drogue et grosse trap locale ; il semblerait que les Allemands, eux aussi, aient La Haine.

Berlin Boys, David Wnendt, en salles le 12 juillet.