CRY MACHO de Clint Eastwood

Après Le Cas Richard Jewell, Clint Eastwood est de retour dans un road-movie solaire. Si d’aucuns considéreront Cry Macho comme un opus mineur, son apparente simplicité porte en elle toute la maîtrise que le cinéaste a de son médium.

Dans la continuité de La Mule (avec lequel il semble composer un diptyque), Cry Macho permet à Eastwood de revenir derrière et surtout devant la caméra dans la peau de Mike, cow-boy fatigué, à la recherche au Mexique du fils de son ancien patron. Sous couvert de conflit de générations, le film prend la forme d’un buddy movie, où le cadre fixe recentre les corps pour capter la relation naissante entre cet ado méfiant et ce vieux briscard qui le prend sous son aile. Il est même désarmant de voir Eastwood se priver de toute fioriture, et aborder avec une sobriété ravageuse une mise en scène où chaque composition soignée, héritée de son passif dans le western, révèle un environnement dépouillé. Loin de dépeindre une Amérique de carte postale, Cry Macho est une œuvre désabusée sur les mythes de l’Ouest. Mike apparaît à l’écran dans une contre-plongée qui le baigne d’ombre, le transformant en silhouette creuse. Avec beaucoup de tendresse, l’auteur profite de ce portrait pour livrer un regard lucide et actuel sur le cow-boy en tant que figure machiste dépassée. Le jeune Rafael (Eduardo Minett), en quête de modèles virils caricaturaux, semble être un écho direct à ces générations de spectateurs bercées par les personnages mutiques d’Eastwood, et qui les ont parfois mal interprétés. Si l’acteur-réalisateur n’a rien perdu de sa force de caractère, il nous rappelle aussi qu’il ne faut pas confondre ce charisme avec un refoulement total des émotions, symbole par excellence d’une masculinité orgueilleuse et toxique.

Coq en Stock

Cry Macho esquisse donc progressivement une sensibilité bouleversante. Alors que Mike a passé sa vie dans l’ombre d’un temps perdu, des rais de lumière viennent soudainement lui redonner une chance. Revenir à l’essentiel et chérir ceux qu’on aime, voilà le credo simple d’un artiste qui, comme son personnage, a roulé sa bosse. Et si l’œuvre récente de Clint Eastwood est soutenue par une sagesse paisible, c’est parce qu’elle nous offre cette vision du monde sans amertume. Là où American Sniper détournait le film de guerre, Cry Macho joue des codes du road movie, en précipitant chacun de ses nœuds dramatiques pour retrouver l’intimité qui lui importe tant. Si le sniper Chris Kyle était une figure tragique, aveuglée par son envie de protéger sa famille au point de rater les plus belles années de sa vie, le cow-boy Mike en est le contrepoint radieux. Un alter ego d’Eastwood qui reprend son destin en main en sabotant le genre cinématographique qui voudrait l’encapsuler. À 91 ans, Clint est toujours là. Et la liberté qui émane de Cry Macho est celle d’un auteur qui n’a plus rien à prouver