« On a vu une police beaucoup plus violente qu’en 2005 » David Dufresne et Djigui Diarra s’expriment face au Sénat

Ce mercredi 7 février, la mission d’information sur les émeutes de juin 2023 auditionnait les réalisateurs David Dufresne et Djigui Diarra pour croiser leurs regards sur les événements survenus à la suite de la mort du jeune Nahel à l’été dernier. On s’est branchés sur Public Sénat.

C’est avec un peu de retard que l’audition a démarré, peu avant midi. Et c’est le Sénat qui commence par résumer la situation, à sa façon : « 24 000 feux sur voie publique, 12 000 véhicules incendiés, 2 500 bâtiments incendiés ou dégradés dont 168 écoles et 105 mairies : la France a connu, du 27 juin au 4 juillet 2023, plusieurs journées d’émeutes caractérisées par des violences et des dégradations d’une ampleur jusqu’ici inégalée ». Lorsque vient son tour, le journaliste et réalisateur David Dufresne commence par saluer « la très bonne initiative des Sénateurs d’auditionner des acteurs du monde de la culture » avant de pointer du doigt la dégradation de la relation entre habitants de quartiers et forces de l’ordre : « On a vu une police beaucoup plus violente qu’en 2005. Il faut avoir en tête, et les travaux sociologiques le montrent, que dans une démocratie c’est l’État qui détermine le niveau de violence. On en a eu un exemple très clair avec les manifestations d’agriculteurs il y a dix jours. ». En 2020, son documentaire Un pays qui se tient sage alertait déjà sur la questions des violences policières. Auteur d’un court-métrage remarqué s’emparant du sujet (Malgré eux, en 2017), son confrère Djigui Diarra ne dit pas autre chose et appelle à « recentrer la question sur ce qui a amené à ces violences : une déshumanisation d’une partie de la population, de l’injustice, de la brutalité policière. »

Les deux réalisateurs mettent aussi en évidence le rôle des images, de plus en plus abondantes et décontextualisées, dans la dégradation de la situation, « Internet, les réseaux sociaux, tout cela a été le vecteur d’une escalade des deux côtés. Quand on voit l’intensité des répressions policières en manifestation, les révoltés ont envie de répondre à ce qui a été proposé en face, et vice et versa » estime Djigui Diarra. Mais pour David Dufresne, « croire, comme Emmanuel Macron l’a dit, que les émeutes ce sont les jeux vidéo et les réseaux sociaux, c’est faire acte – de mon point de vue – d’irresponsabilité. La soif de l’image et de la reconnaissance anime les émeutiers comme elle anime toute la société. »

Alors quelles solutions dessiner pour sortir de « cet état social alarmant » ? Pour Djigui Diarra, il faudrait commencer par humaniser les victimes de violences policières : « Je suis comme la plupart des personnes de cités et cela vous étonnera peut-être : un amoureux de justice et de liberté. Il y a un ras-le-bol partagé par tous les français, pour ces violences policières qui sont racistes, négrophobes, islamophobe et antisémite. » Charge aux médias de prendre de la hauteur, de contextualiser, lorsque de tels événements embrasent le pays. Cette commission le prouve, les représentants des mondes politiques et culturels réunis hier au Sénat ont également des réflexions précieuses à nous offrir, et notamment en dialoguant entre eux. Pour l’heure, la mission d’information devrait entendre très prochainement le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avant de rendre son rapport public au mois de mars.