YIDDISH de Nurith Aviv
– En salles : YIDDISH –
À peine une heure suffit pour filmer de façon méthodique et lumineuse une série de rencontres où des jeunes de différents pays racontent leur rapport au yiddish. C’est le dernier petit miracle de la cinéaste Nurith Aviv.
Mais il y a une chose dans le film qui dépasse la simple curiosité ethnographique, c’est la vitalité transmise par les personnes interrogées. C’est comme si les habitants de Pompéi, après des siècles sous la lave du Vésuve, se réveillaient et se montraient comme des êtres humains encore plus vivants et complexes que ceux qui les ont découverts. La mise en scène d’Aviv n’y est pas pour rien. Certes, le yiddish, notamment dans les poèmes que chaque personnage lit à la fin de l’entretien, nous étonne et nous touche aujourd’hui parce que c’est la clé d’un monde absent, ce Monde d’hier dont parlait Stefan Zweig déjà en 1934. Mais Aviv offre un cadre qui rend possible cette révélation grâce à un dispositif extrêmement simple : avant l’entretien, on accompagne chaque personnage sur son chemin pour rentrer à la maison, dans les rues de sa ville (Berlin, Paris, Vilnius, Tel Aviv…), et la rencontre se finit par la lecture d’un poème de son écrivain yiddish de chevet. Ces moments de présentation des personnages, la façon dont elle filme les fenêtres de leurs appartements, et surtout la lecture des poèmes et même la typographie de la traduction française procurent un plaisir plastique, dans leur quête très simple de la beauté. La luminosité est systématique, puisque chaque rencontre se produit dans un beau jour, comme si le soleil était une arme contre les ombres du passé, le véhicule le plus à même de révéler l’impact du yiddish sur une génération qui semblait destinée à l’ignorer. Cet éblouissement, évident aussi dans l’enthousiasme des personnages, permet de comprendre qu’une langue menacée d’extermination n’est que la pointe de l’iceberg d’un trésor culturel aux dimensions insoupçonnées. Quintin (traduit de l’espagnol -Argentine- par F.G.)