L’ETE DERNIER de Catherine Breillat

Pour son premier long-métrage en dix ans, la réalisatrice tente de renouer avec le soufre. Dans ce pari mollement tenu, une Léa Drucker double s’y révèle impeccable.

La vérité est la meilleure arme pour Anne. Qu’elle soit dure à arracher à sa jeune cliente victime de viol ne change rien pour l’avocate. Avec combien de garçons as-tu couché ? Plus ou moins de dix ? Combien de verres bus ce soir-là ? Deux ou trois ? Plutôt deux ou trois ? Le vrai doit se manifester en détail, avec précision, pour mieux l’opposer aux outrances et calomnies de la défense. Au bout du compte, justice est faite et la vérité triomphe. Passé ce prologue, L’Été dernier prend le contre-pied de cette morale. La transparence vaut peut-être devant les juges, elle ne gagne pas à se faire quand Anne est la première concernée. Faire éclater la vérité, ce serait faire exploser son couple et sa famille. Dans le rôle de la bombe, Théo (Samuel Kircher), 17 ans, son beau-fils avec qui elle noue une relation incestueuse.

Pour l’essentiel, Breillat ne filme pas une communion entre deux corps. Ils restent hors champ, ou se devinant à peine. Elle concentre toute l’attention sur des visages extatiques, isolés. Théo et Anne sont renvoyés à leur seul plaisir, jetant par la même occasion le trouble sur ce que chacun voit en l’autre. La chair attend patiemment pour surgir dans son entièreté et s’échapper d’entre les murs. C’est en s’exposant à l’air libre que la peau, plus que les mots, risque de trahir « ce qui ne doit pas sortir d’ici ».

Qu’a-t-il bien se passer par la tête d’Anne pour s’abandonner à ce désir de transgression ? Les justifications ont toujours leur envers dans le film de Catherine Breillat, remake d’un film danois de 2019 (Dronningen). L’adolescente qu’était Anne était repoussée par les hommes plus âgés et leurs traits de « déjà morts » ; elle assure maintenant trouver émouvants ces corps éprouvés par le temps. À son affaire dans les eaux troubles de la duplicité, Léa Drucker, sourire hébété de l’ivresse aux lèvres, dira souffrir de « normopathie » à son mari doublement trompé. L’aversion aux conventions n’est pourtant pas le trait le plus apparent de cette famille baignant dans un épais jus bourgeois. Il confère à L’Été dernier un parfum empesé, qui éteint partiellement le sulfureux de ces amours proscrites.