LA FEMME DU FOSSOYEUR de Khadar Ayderus Ahmed

Premier long-métrage du réalisateur finlandais d’origine somalienne Khadar Ayderus Ahmed, La femme du fossoyeur (au cinéma le 27 avril) nous entraîne dans des confins peu filmés pour une traversée du désert tout sauf aride.

Elle s’installe dès le titre, plane au-dessus de chaque scène, se rappelle à nous dans une carcasse de chien, le vol d’un vautour ou la salle d’attente d’un hôpital… et pourtant, la mort n’est pas l’objet de La femme du fossoyeur. C’est avant tout un film sur l’amour et sur ce que l’on veut sauver. Guled, un fossoyeur des quartiers pauvres de Djibouti a deux semaines pour réunir les 5000 dollars nécessaires à l’opération de sa femme, qui souffre d’une grave maladie reinale, une raison amplement suffisante pour passer de l’autre côté en Afrique subsaharienne. Pour rassembler une telle cagnotte, peu ou prou le salaire annuel des fossoyeurs qui se massent chaque jour devant les hôpitaux africains dans l’attente de corps à enterrer, Guled entame une longue et douloureuse traversée du désert à pieds nus pour récupérer son seul patrimoine, un troupeau de chèvres et de moutons qui l’attendent, ou pas, dans son village natal. Malgré l’aide de son fils d’une dizaine d’années, resté à la capitale pour enchaîner les petits boulots, la somme semble inatteignable…

Je souhaitais raconter une histoire d’amour simple mais réaliste, avec le mordant du conte de fées”, expliquait Khadar Ayderus Ahmed lors de la présentation du film à la Semaine de la Critique à Cannes l’année dernière. Grâce à une mise en scène faite de petits riens et à son esthétique solaire, coup de projecteur sur un Djibouti peu souvent filmé, l’auteur-réalisateur qui a passé la première partie de sa vie en Somalie avant d’être chassé par la guerre civile relève le défi haut la main. Le rôle principal, qui se retrouve dans la drôle de situation de devoir chercher des cadavres pour vivre, touche en plein cœur et les personnages féminins se révèlent particulièrement costauds. Mention spéciale à l’actrice Yasmin Warsame, mannequin d’envergure internationale que Khadar Ayderus Ahmed rêvait de faire tourner après l’avoir repérée sur une immense affiche H&M placardée dans le métro d’Helsinki. Un film pour ceux qui ne sont pas prêts à enterrer leurs rêves et contrairement à ce que le scénario pourrait laisser penser, jamais solennel, généreux, plein de tendresse et d’espoir.