GLEN E. FRIEDMAN : « Larry Clark ? Je déteste tout ce que fait ce type »

Œil du monde du skateboard depuis les années 70, Glen E. Friedman photographie Los Angeles sur sa planche depuis ses 14 ans. Repéré au cinéma comme producteur et consultant sur le documentaire à succès Dogtown & Z-Boys en 2001, il présente cette année un court-métrage « que sont-ils devenus » touchant sur ses camarades de la Zephyr skateboard team. A l’occasion de son passage à Paris pour le Paris Surf & Skate Film Festival, on s’est demandé si la glisse était si bien représentée que ça sur grand écran…

Quel est votre premier souvenir de skate au cinéma ?

Ça remonte aux années 70. À l’époque, on voyait surtout des films de surf avec un peu de skate dedans. On allait les voir dans des auditoriums, c’était de la distribution « four-wall », quand des studios louent des salles pour diffuser des films qui n’étaient pas diffusés au cinéma. Et je me rappelle de ce film : Super Session. Nous étions à Santa Monica donc tous les gens dans la salle faisaient du skate et quand est venue « la » scène de skate, tout l’auditorium est devenu dingue et s’est mis à hurler. Je pensais carrément que j’étais dans le film, un type qui passait en skate au fond d’un plan me ressemblait ! Mais en fait ce n’était pas moi…

Le skate était plus un élément d’ambiance dans ces films…

Oui tout à fait. Il a fallu attendre les « Powell movies » – les films de la marque Powell Peralta – pour que le skate soit le sujet principal. Craig Stecyk et Stacy Peralta ont fait plein de films comme Public Domain que j’ai trouvé fantastiques. Ils tournaient de vrais films alors que la plupart des gens ne faisaient que de petites vidéos. Mes références ce sont tous ces films des années 70, je n’ai pas vraiment vu les films de skateboard récents comme 90’s de Jonah Hill. Dans les années 80, il y a aussi eu tout un tas de films horribles comme Skate Gang

Et l’adaptation de Dogtown & Z-Boys, Lords of Dogtown ?

Oh la la, c’était terrible. Je vais vous dire, le seul truc à sauver dans ce film, c’est Emile Hirsch, qui jouait Jay Adams d’une manière absolument troublante. On aurait dit qu’il le connaissait. C’était presque énervant. Mais le reste du film était juste triste et dérangeant…la manière dont ils ont représenté la mère de Jay par exemple, c’était irrespectueux. Mais bon c’est un film hollywoodien, il fallait s’y attendre. Ils ont aussi basé pas mal de scènes sur mes photos.

Lords of Dogtown (2005), à ne pas confondre avec Dogtown & Z-Boys (2001)

Sans vous payer ?

Et bien, j’ai dû les poursuivre en justice ! (rires) Et j’ai fini par gagner donc tout va bien pour moi. Mais je pense que j’ai la réputation d’être inapprochable alors ils n’ont pas voulu me demander la permission. Je me suis incrusté à une projection et c’est là que j’ai vu les scènes, j’ai pété un câble ! On ne peut pas faire ça sans demander la permission ! Ce film reste un mauvais souvenir. 

Y a-t-il des scènes de skateboard qui vous ont particulièrement marquées au cinéma ?

Vous savez je suis tellement compliqué dès qu’il s’agit de filmer le skate, c’est difficile pour moi de penser à des scènes où je me suis dit : « ah ! Là c’est bien fait ! »  sauf quand ce sont des vidéos ou des films que les kids font eux-mêmes. Si on parle purement de skate au cinéma, à part Dogtown & Z-Boyz qui est, à mon avis, le meilleur documentaire… D’ailleurs  j’ai du mal à voir autre chose que des documentaires, pas parce que le skate ça ne marche pas en fiction, je ne l’ai juste jamais vu bien fait. Larry Clark par exemple (il frémit) c’est de l’exploitation pure. Tous ces gamins ont été exploités et je déteste ça, je déteste tout ce que fait ce type. C’est flippant. On me demande souvent pourquoi je ne vais pas shooter les jeunes skaters, mais c’est à eux de le faire, pas à des vieux comme moi ou Larry, je shoote ma propre génération.

Vous ne regardez plus vraiment de films de skate ?

Non pas vraiment, je sais qu’il y a cette série sur HBO, Betty, sur des filles qui font du skate. C’est drôle parce qu’à l’époque, une « Betty », c’était une groupie de skaters ! Mais pour en revenir au cinéma, je suis très dur avec les films que je regarde, parce que ça prend du temps de notre vie alors il faut bien les choisir. Je ne me souviens pas d’un film récent où le skate était bien représenté, ou alors c’est kitsch à mort : on montre des skaters dans le fond parce que le film se passe à LA…. Je pense que dans ce cas précis, il vaut mieux laisser ça aux gens qui le vivent vraiment, sinon, encore une fois c’est de l’exploitation. Les réalisateurs s’intéressent au skate parce que c’est une grande famille, que de l’extérieur ça a l’air fou et intéressant et ça donne envie de s’y plonger mais il faut le faire en respectant la culture avant tout.