CE N’EST QU’UN AUREVOIR de Guillaume Brac

Le nouveau film de Guillaume Brac suit une classe de terminale à Die, dans la Drôme. Cest bientôt le bac mais surtout le grand départ et le saut dans linconnu. Un portrait choral de jeunes adultes à la lucidité saisissante, où lon croise aussi bien Parcoursup que la mégabassine de Sainte-Soline. Par Léo Ortuno.

Si l’envie de filmer la jeunesse n’est pas récente chez Guillaume Brac, ses derniers films tracent aussi une trajectoire à travers la France. Contes de juillet tournait autour de Paris et sa banlieue avant que LÎle au trésor ne s’éloigne sur les bords de Seine. À labordage quittait la capitale pour découvrir la Drôme, département dans lequel le cinéaste a définitivement installé sa caméra pour Ce nest quun au revoir. Paris semble bien loin pour ce groupe de lycéens qui se revendique plutôt de la “babosserie”. Bercés par des soundsystems crachant du dub ou des morceaux de La Rue Kétanou, les visages sont parfois ornementés de dreadlocks colorés tandis que les sarouels et pantalons camouflages sont de sortie. Ce qui frappe, c’est pourtant moins leur apparence que leur étonnante maturité sur des sujets divers et variés. 

Toutes les personnes déjà passées par le lycée connaissent bien la brutalité de la fin de ce cycle scolaire. Chacun part dans une direction différente et la question de la conservation des amitiés se pose. Si de par son titre, Ce nest quun au revoir sonne comme un espoir que rien ne changera, ces élèves en sont moins convaincus. Ils n’ont pas encore vécu cet éclatement à venir mais paraissent déjà le ressentir dans une forme de nostalgie anticipée. Le film laisse aussi une place à des discours critiques envers la roulette russe qu’est Parcoursup. Dans son incompréhensible fonctionnement, la plateforme d’orientation semble cristalliser la peur et le doute de cette génération dont le futur est déterminé par un algorithme. Au-delà de leur sort individuel, ils ont également une conscience aiguë du changement climatique. Si certains sont allés protester à Sainte-Soline, d’autres parlent des low-techs dans leur sujet du bac. L’avenir est trop incertain pour rester adolescent, ils paraissent déjà adultes dans des corps qui ne le sont pas encore totalement. 

Guillaume Brac tient le cap de son film en ne perdant jamais de vue le groupe dans son ensemble. Avoir choisi une classe en internat n’est d’ailleurs pas anodin tant les liens entre eux paraissent plus forts, comme démultipliés par ce rapprochement continu. Ce nest quun au revoir est chapitré par quatre prénoms féminins, isolant le temps d’un instant quelques identités singulières. À l’image, la caméra continue de suivre le groupe mais ces femmes témoignent en voix off à propos d’un épisode plus intime de leur vie familiale. Ces portraits sonnent comme des confidences chuchotées, en nous épargnant de tout voyeurisme avec ce dispositif qui les protège en ne les affichant pas directement. En navigant de l’individu au collectif, se faisant parfois le miroir d’une génération entière, on sort de ce documentaire aussi impressionné qu’ému. Sur le quai de gare depuis lequel on laisse cette classe partir vers un avenir inconnu, les mots d’une de leur enseignante reviennent : « Je survis grâce à vous. Merci à votre jeunesse, à votre entrain, à toutes vos erreurs qui ne sont pas des erreurs mais des tentatives. »

Ce n’est qu’un au revoir (ACID), prochainement.