Jean DUJARDIN : « Les trucs de mec seul, ça m’a toujours parlé »

Il le dit un sourire à l’envers, Jean Dujardin se considère comme un acteur qui « aime se faire des secousses ». Comprendre, un comédien dont le statut de superstar n’a pas altéré le goût pour le jeu, avec ou sans règle. Pour rester en liberté, celui qui est passé d’un personnage de surfeur (Brice de Nice) à l’Oscar du meilleur acteur (The Artist) expérimente d’autres cinémas : l’obsession et le retour à l’animal dans Le Daim de Quentin Dupieux (présenté en ouverture de la Quinzaine, en salles le 19 juin), l’affaire Dreyfus vue par Roman Polanski (J’accuse), avant un retour – enfin – à l’agent OSS 117 adoré. Entre chaque partition, la tentation de prendre la contre-allée pour de nouveau s’appartenir. Par Arthur Cerf, Jean-Vic Chapus et Raphaël Clairefond.

Il paraît que ça vous crispe, le mot « action » ?
Non, mais je trouve ça étrange… C’est la promesse du mot « action » qui peut me crisper, en fait. Bizarrement, on n’a jamais totalement envie de faire ce métier. On a envie de ressentir, on a envie d’être dans un film, mais pas forcément de le faire à la façon d’un travail. Jouer devant trente-cinq personnes qui vous observent, ce n’est pas quelque chose de naturel. Alors, tous les petits rituels du métier, les « action ! » ou les « moteur demandé ! », ça questionne quand même. Grosse promesse, mais je ne sais pas, s’il y aura de l’action, je ne sais pas si ça va être intense. Laisse-moi aller à mon rythme. La vraie liberté, tu la retrouves surtout dans l’intervalle qui existe entre deux rôles, dans le luxe d’avoir le choix de continuer ou d’arrêter.
Sans en révéler les ressorts scénaristiques, on peut dire que Le Daim raconte l’obsession qu’un homme peut nourrir pour un blouson.
C’est très vrai cette histoire d’obsession : on balance parfois une veste ou un manteau, on les vend, mais un blouson, on le garde. Je ne sais pas vous, mais moi mes blousons je les ai tous. Tes cuirs, tu ne les vends pas, tu ne les donnes pas. Tu les aimes, tu peux même avoir des discussions avec eux. Avec Quentin, on s’est rencontrés dans cette brasserie (Le Murat, Porte d’Auteuil, Paris 16e) et ça a duré cinq minutes. Il m’a juste dit : « Alors voilà, ça serait l’histoire d’un mec qui plaque toutpour un blouson. » Quentin, il est charmant, il a une vision. En plus il a cette obsession de ne jamais devenir professionnel. Il peut être très brutal avec son œuvre et tout envoyer valdinguer. C’est bien, c’est rare… Moi aussi, j’ai envie de me faire des secousses (sic).
« Quentin Dupieux, il a une vision et il a cette obsession de ne jamais devenir professionnel. »
C’est particulier pour un acteur, l’expérience d’un film avec Quentin Dupieux ?
Déjà, ce n’est pas un nain avec une caméra. Et il tourne comme un monteur. Au fur et à mesure que ça avance, il sait déjà ce qu’il va virer comme complaisance, comment il va triturer le truc… Tu le vois se balader avec sa petite caméra Sony et, souvent, on est trois dans une pièce : lui, l’ingénieur du son et moi. Il vire tout le monde du décor, mais cool, en plus : « S’il te plaît, tu dégages bibi phoque ! » Tourner avec lui ça ressemble à une sorte d’atelier de recherche dans lequel tu ne te sens jamais jouer. Pas mal de scènes se font en une seule prise. Pas d’improvisation, tout est très écrit en amont. Il peut couper une scène au bout de cinq secondes s’il a l’impression que tu joues trop. (Il imite)« Non ! Arrête ! Là, c’est du TF1 ton truc ! » Faut être à l’os avec lui, tout le feu est éteint. J’avais envie de travailler le registre de la psychiatrie, mais sans la surjouer. Les trucs de mec seul, ça m’a toujours parlé. Déjà, du temps de Un gars, une fille j’aimais bien jouer le mec seul. Tu joues des choses normales en apparence, mais comme un animal. Tu redeviens un singe.
Déjà quand vous jouiez dans le film de Gustave Kervern et Benoît Delépine, I Feel Good, vous composiez un personnage avec une obsession, celle de la réussite. C’est un registre dans lequel les cinéastes vous imaginent bien ?
Il y a certainement du cousinage dans la psychiatrie, mais le personnage de I Feel Good sert de véhicule au discours sur la société de Delépine et Kervern. Moi aussi je me considère comme un obsessionnel. Ça passe souvent par le rangement. Une fois que les choses sont rangées chez moi, je vois ça comme un gain de temps. C’est comme si mon esprit était rangé. Avec ma femme, on peut se faire des grandes soirées rangement. L’obsession, avant, elle pouvait passer par des choses plus douloureuses comme l’envie de se faire très mal ou se sentir souvent coupable… Je me suis beaucoup détendu sur ce registre. Ça apparaît aussi quand je me mets à refaire une scène d’un film dans lequel je joue, plusieurs fois, dans mon lit. Le cerveau ressasse et ressasse encore des dialogues, et, au moment de tourner, tu as perdu le sens. C’est pénible parfois de se vouloir du mal à ce point-là.

Quentin Dupieux racontait que vous aviez perçu derrière Le Daim une référence à Série noire d’Alain Corneau. Un acteur comme Patrick Dewaere, dans sa relation à l’autodestruction, peut vous fasciner ?
Patrick Dewaere, c’est magnifique, mais ça fout les jetons… On tend tous, plus ou moins, à des choses comme ça. Dans le cinéma, il y en a qui arrivent à sauter le pas de l’autodestruction, comme il l’a fait, et généralement ils sautent, on ne les revoie plus… Moi, je préfère contourner ce problème. Comme je suis maniaque, j’aime bien maîtriser mes états. Ça ne veut pas dire que je ne lâche jamais prise, mais je le fais dans la maîtrise. Ce saut dans le vide d’acteurs comme Joaquin Phoenix ou Daniel Day-Lewis, ce suicide ciné-génique, me fascine, oui, mais je ne l’envie pas pour autant. Tu peux regarder le personnage de Franck Poupard dans Série noire ou Robert De Niro dans Taxi Driver et être admiratif. N’empêche, il faut savoir mettre de la distance avec un minimum de dérision. La dérision, tu la gardes avec toi, comme un pansement quand tu es sur le point de t’ouvrir les veines. Je ne me raserai pas la tête comme je ne vais pas me mettre à perdre des dizaines de kilos pour un rôle. Il faut arrêter avec cette fascination pour les performances physiques : on n’est pas américains, et on ne le sera jamais. Et puis, la normalité, ça peut être tout autant effrayant.
« Patrick Dewaere, c’est magnifique, mais ça fout les jetons. »
C’est votre passage dans le cinéma américain qui vous fait penser à ce genre d’approche ?
Je ne veux pas donner l’impression de faire des généralités, mais les Américains, c’est une idée poussée à l’extrême du professionnalisme. Ils sont pros, mais au premier degré. Dans le travail c’est extra, mais l’industrie qui gravite autour du cinéma peut vite apparaître comme un truc en plastique : la vente, les trucs forcés… Ça m’est arrivé pendant la promotion de The Artist. Tu marches avec tes attachés de presse américains, tu croises quelqu’un, et, là, on te pince le coude violemment : « Attention, Jean, lui c’est un journaliste important ! » Donc, tu dois réagir au quart de tour, et faire un sourire en plastique : « Oh ! So nice to meet you… » Et puis il y a aussi quand les attachés de presse te font un petit geste du doigt pour t’appeler : « Jean ! Come here ! » Ce geste me rendait fou. Il signifie : tu n’as qu’une seule alternative, et c’est celle que je t’impose. Donc tu dois en passer par le rapport de force pour ne pas bouffer de la merde. C’est assez pénible, mais j’ai respecté le protocole. Enfin, jusqu’à ce que je m’ennuie, et que je réalise que je ne serai jamais complètement un bon élève aux États-Unis. Je n’ai pas le niveau pour ça.
Il y a cette idée reçue selon laquelle les acteurs américains seraient plus bosseurs que les acteurs français. Vous la validez ?
Non, c’est un cliché. L’image de l’acteur américain qui n’arrête jamais de bosser ça tient au fait que les mecs ne redescendent pas de leur tour d’ivoire. Au fond, on ne sait pas grand-chose de leur vie à côté du travail. Nous, en tant que Français, on est tout de suite plus liants, on fait rentrer du pinard à la cantine. Avec un comédien français, il ne faut pas très longtemps pour qu’il te raconte sa vie. En deux heures, tu sais que sa mère à un problème, ou qu’il a fait la fête la veille jusqu’à très tard… Et heureusement d’ailleurs. C’est comme sur les tournages de Bertrand Blier : à 17 heures, on s’arrête pour manger du pâté. Pour lui, la santé d’un film, passe par l’ambiance sur un plateau. Sur Le Bruit des glaçons, par exemple, quand il voulait remettre Albert Dupontel à sa place, il lâchait : « Dupontel, ta gueule, moi j’ai un oscar ! »

Mais quand on vient de cette tradition des tournages à la française, est-ce que c’est déroutant de se retrouver sur un plateau américain entouré de gens qui, comme vous le disiez, prennent le cinéma au premier degré ?
Moi je suis toujours très préparé. Comme les Américains, justement. Qu’on ait le sentiment que j’improvise ça me va très bien. Donc quand quelqu’un me dit : « Mais dis donc c’est très fluide ton jeu », je pense : « Oui, c’est fluide et c’est normal parce que je me suis abruti avec le scénario. » J’ai été un tellement mauvais élève que maintenant je bosse comme un porc. Pour le film de Polanski (J’accuse, au sujet de l’affaire Dreyfus, ndlr), je me suis enfermé deux mois pour apprendre le scénario par cœur. Les OSS,c’était pareil : si ce n’était pas bossé à mort, c’était la plantade assurée. Improviser, surtout dans une comédie, c’est suspect. C’est une rythmique très particulière, la comédie. J’ai toujours tendance à penser que c’est dans l’espace avant ou après la vanne qu’il se passe le plus de choses. À partir de là, je travaille plus la réaction ou l’anticipation que la vanne en elle-même. Il y a un truc musical là-dedans.
La campagne d’avant la cérémonie, puis l’Oscar du meilleur acteur pour The Artist, il en reste quoi ?
Des images incongrues. Je me rappelle d’une petite tente noire derrière le théâtre Kodak, où se déroule la cérémonie. Dans cette tente, c’est autorisé de fumer. À l’intérieur, il n’y a que moi et Brad Pitt. Il faut savoir que dans le cinéma U.S., le fait de fumer n’est pas très bien vu. Mais bon, je me dis : « C’est quand même cool, j’ai le temps d’une clope pour parler avec Brad Pitt. » Pour l’aborder, je me mets à lui parler de son installation en France. À l’époque, il venait de s’acheter sa baraque dans le Var (à Miraval, ndlr). Je lui dis : « Alors ça va, la Provence ? Sympa ? » Et lui, en français avec le gros accent : « La France, sympa, oui, mais… euh… j’ai besoin d’amis… » Brad Pitt qui te dit « j’ai besoin d’amis » seul dans une petite tente noire, et tu penses : « La solitude de ces gars, quand même… » Ça donne presque envie de lui répondre : « Mais Brad, moi, je veux bien être ton ami. » Après, je me souviens surtout aussi de ma chambre d’hôtel, le lendemain de la cérémonie, à 8 heures du matin. Toute la nuit, j’ai donné des interviews. Donc, quand je rejoins ma chambre, je m’enferme dans les toilettes je regarde la statuette et je me marre. Comme un fou ! Plein d’acteurs en ont rêvé, et moi je me retrouve avec l’Oscar, en main, alors que c’est tout sauf un Graal. Cet oscar, ça reste la plus grande ironie de ma vie.
« Brad Pitt qui dit : “J’ai besoin d’amis” seul dans une petite tente, tu penses : “La solitude de ces gars, quand même… ”»
Vous dites souvent que vous êtes un comédien de plan large à la Vittorio Gassman ou Peter Sellers. Comment on devient un bon acteur de plan large ?
Au départ, on accepte parce qu’on n’est pas forcément un bon acteur en plan serré. Pour moi, c’est plus rassurant d’être dans le plan large, compenser avec des mouvements. Il y a plein de choses qui me font rire dans le corps que je ressens en moi. Des trucs de Peter Sellers. Pourquoi les mains sont plus drôles sur les genoux comme ça, que comme ça (il mime) ? Dans les films de Blake Edwards, il en use beaucoup. En plus, on peut beaucoup s’amuser avec le cadre ; on rentre, on ressort… Il y a des tournages où je m’intéresse précisément aux plans, en me disant par exemple : « C’est peut-être plus drôle si je rentre à moitié. » Michel (Hazanavicius) avait pigé ça tout de suite donc il m’a laissé les clés de la maison en plans larges.

La comédie populaire française s’est beaucoup construite sur des bandes – le Splendid, les Nuls, les Inconnus, les Nous Ç Nous. Vous diriez que cet esprit de bande existe encore dans l’humour français ou on est passé à autre chose ?  
Parfois, je croise des ados qui me demandent : « Comment je peux faire pour réussir ? » Je leur réponds souvent : « Écoute, je n’en sais rien, il n’y a pas de méthode. Est-ce que tu aimes ce métier-là ? Comment tu veux le faire ? » Mais ensuite je leur dis : « Si ça ne marche pas tout seul, fais en sorte de te multiplier. Associe-toi. Tu te mets à deux, à trois, à cinq… » Ce qu’on a fait avec les Nous Ç Nous, ce qu’a fait le Splendid à une époque. Alors que là, c’est peut-être plus individualiste. Avant on disait : « Il faut dix ans pour réussir. » Maintenant, il faut parfois dix jours. Dans ta piaule, tout seul, tu peux faire un truc. Mais les réseaux ont peut-être enlevé cette possibilité de s’associer pour réussir aussi. Est-ce un mal ? Un bien ? Ce n’est même pas la question, c’est comme ça. C’est comme si tu disais à ton fils : « Arrête avec ce portable ! » C’est comme ça, c’est devenu un prolongement. Ta gueule ! Vieux, vieux, vieux que tu es !

Dans vos interviews, vous parlez parfois d’une vogue des comédies Instagram dans le cinéma français. Comment vous les définissez ?
La comédie Instagram, c’est la caméra sur toi. C’est : « Montre-moi ma vie. Montre-moi mes problèmes de voisinage, de coloc’, de frangins, de famille… » On peut dire que c’était le pré carré du cinéma d’auteur, mais aujourd’hui les comédies sont comme ça. Elles ne sont construites que sur des formules : des formules de voisinage, de quinqua, de quadra, évidemment. C’est ce qui marche. Le Cœur des hommes… C’est ça : « Parle-moi de moi. » J’ai refusé beaucoup de choses comme ça, je l’ai trop fait, je l’ai fait 4 000 fois.

Les Petits Mouchoirs, c’est un peu ça aussi. 
Ouais mais dans Les Petits Mouchoirs, je ne fais que passer, hein. Je me prends un camion et c’est tout. Mais franchement, je l’ai fait pendant 4 000 sketches dans Un gars, une fille. Le mec dans la cuisine, le mec dans la salle de bain… Donc, à un moment, je n’ai plus du tout envie de ça. Les problèmes de couple, les chiens, la belle-mère, j’en avais marre. Tu m’étonnes que j’aie eu envie de faire des films qui ressemblent à des films. Quand je lis le premier OSS, je suis comme un gosse : « Oh putain ! Je suis dans un James Bond, je suis dans un truc que je n’ai pas vu ! » Quand je fais 99 francs je suis dans un univers. Chez Quentin Dupieux, je suis dans un film.

Pourquoi vous n’avez pas joué dans Le Grand Bain ? Ça aurait paru évident. 
En même temps, je comprends Gilles (Lellouche). Il a besoin de ne pas refaire Les Petits Mouchoirs. Il avait besoin d’un casting très hétéroclite avec des gens comme Mathieu Amalric. On a beaucoup tourné ensemble avec Gilles, c’était presque trop évident que j’y sois. Qu’il y ait Guillaume, c’est logique. Il a fait beaucoup pour Gilles, ils se connaissent depuis longtemps.
Dans certaines interviews, il vous est arrivé de dire que vous aimiez bien sortir, mais pas forcément en bande…
On sait que Gilles a besoin d’être entouré de ses potes. Moi, un peu moins, donc je me suis un peu écarté des trucs de bande. J’ai horreur des habitudes, j’ai horreur des vendredis soirs, des grands groupes. Ils ont pu me le reprocher d’ailleurs. J’aime bien être seul aussi, dans ma vie, être avec les miens, avec certains de mes amis d’enfance. Ressasser les mêmes trucs avec des copains du métier, ce n’est pas forcément mon truc. Mais Gillou est un mec qui rassemble, un fédérateur, c’est un chef de meute. Il a ça en lui. Il ne peut pas dire : « J’ai besoin d’être seul. » Ce n’est pas vrai. Tu regardes dans le dictionnaire : à « copain », tu vois Gilles Lellouche. C’est une maladie, ce besoin de s’entourer, d’être soudé. Pour ça, c’est un être qu’on ne pourra jamais détester. Gillou, il a souffert de cette image de « copain de » Guillaume Canet ou de « pote de » Jean Dujardin. Voir passer Guillaume, moi, machin, devant lui et être resté trop longtemps dans la case du « bon copain ». Il a une carrière plus lente mais ça ne veut rien dire. Il est passé par le circuit sixième rôle, cinquième rôle, quatrième rôle… Et l’année dernière, il a fait le grand chelem.

C’est vrai que lors des premières projections d’OSS, vous avez cru que ça allait être un four ?
En tout cas beaucoup de mecs dans le public ne pigeaient rien du tout. Pas un rire. J’en ai vu dans les salles se regarder, et se demander s’ils avaient le droit de rire. Ils s’autorisent à rire par leur regard : « T’y vas toi ? Parce que moi j’ai envie. » C’est devenu très chic OSS mais au départ, ça ne l’était pas du tout. Les vannes du style : « Comment va Fournier ? », ça ne marchait pas, les gens restaient vachement au large de cet humour, ils étaient très premier degré. Il y a une salle notamment à Lille où ça ne marchait pas. Les gens disaient : « Mais ce n’est pas crédible ! » Et puis on a fait une connerie : on ne présente pas le film, on n’invite pas les gens, on ne leur donne pas les codes, les clés. À la place, on balance sur l’écran des spots Gaumont de l’époque. C’est un peu trop arty. Un peu trop dans la performance.
Vous avez vu qu’Emmanuel Macron à travers certaines de ses déclarations est parfois comparé au personnage d’OSS ?
Ouais, c’est étonnant.  Macron, il me fait surtout penser à Chirac. Chirac n’a jamais été un très bon orateur. Il se prenait un peu les pieds dans le tapis. Il ne joue pas très bien. Macron, il n’est jamais aussi bon que quand il est debout, qu’il a la cravate défaite et qu’il commence à jacter. D’ailleurs, si j’avais un seul conseil à lui donner ça serait celui-là : « Il y a un truc qui ne va pas, tu joues mal. Derrière le bureau, ça ne va pas. On va casser le protocole, on va te virer de derrière le bureau, là. On va t’enlever la “cravetouze”, tu vas nous parler en marchant. » Il faut qu’il arrête avec ce côté « petit chat dans un panier », larmoyant et qui passe par toutes les émotions. Non seulement ça ne colle pas, mais en plus à tous les coups, ça l’oblige à surjouer.

Il paraît que Michel Hazanavicius voulait vous filmer en candidat politique en campagne, une espèce de biopic de Chirac.
Ça aurait pu me brancher, mais pas pour déshabiller OSS. Je me suis moi aussi équipé, j’ai travaillé mon personnage, j’ai envie de le retrouver. Ça fait dix ans que je demande à Michel, que j’ai envie de le faire, qu’on a tous envie d’y retourner. Moi, j’ai envie que Michel Hazanavicius fasse partie de cette aventure. Je lui envoie des textos, mais je ne peux pas le forcer. Il n’a plus envie. En tout cas pas dans ce scénario-là. Moi j’ai quand même envie. Je pense qu’il y a encore de la place. L’auteur du projet, c’est aussi Jean-François Halin (scénariste des deux premiers OSS et ancien auteur des Guignols, ndlr). Je vois le truc et c’est le même donc il n’y a pas à chier, Jean-François Halin, c’est un génie.
Vous avez raconté que vous aviez ce fantasme de trouver un réalisateur ou une réalisatrice avec qui vous feriez six films. Ça aurait pu être Hazanavicius ?
Je ne sais pas… Je pense qu’il avait besoin d’aller chercher autre chose, peut-être qu’il a moins envie de s’amuser avec moi. Je suis nostalgique d’une époque que je n’ai pas connue, des années 1960 où tu avais des Lautner, des De Broca, qui allaient chercher leurs acteurs, qui écrivaient pour eux, qui allaient faire des films d’aventure, des films de genre.

Cette alchimie particulière entre un réalisateur et son acteur de référence, vous l’avez observée sur Le Loup de Wall Street entre Martin Scorsese et Leonardo DiCaprio ?
Bien sûr. Je le voyais sur les sons seuls. Quand il lui faisait enregistrer les sons seuls, il était juste à côté de lui. Entre Scorsese et DiCaprio, il y a quelque chose qui ressemble à un Bluetooth formidable. Scorsese ne fait que balancer des intentions, des petites choses et DiCaprio, qui reste une bête de jeu, module immédiatement. On recherche toujours un peu ça. Dans un genre un peu plus clivant, la relation que j’ai eue avec Quentin (Dupieux), elle a été comme ça. Je peux y retourner. Mais je ne désespère pas de tomber sur un jeune metteur en scène qui aura une envie saine, qui n’aura pas une envie d’exister à tout prix dans son cadre. Parce qu’on parle souvent des acteurs mais je peux vous dire qu’il y a des réalisateurs qui aiment bien leur image. C’est compliqué. Mais viens, on fait déjà un film, on s’amuse si on doit s’amuser mais faisons un film ensemble. Ne pense pas à ton fantasme, ne rêve pas ta vie avant même d’avoir fait deux films. C’est ce qui est parfois un peu pénible. Certains veulent aller trop vite parce que l’époque va vachement vite aussi, parce que tu peux être maintenant récompensé dans un festival, dès ton premier film. Au milieu de ce truc de gagne, moi je recherche juste un camarade. Un camarade qui a du talent. Mais bizarrement, quand je rentre dans ma vie, j’ai besoin de me retrouver tout seul. Pas parce que je me lasse vite, mais parce que je suis le genre de mec a toujours préférer partir quand il fait beau. Je me suis toujours dit : « Fais un succès et casse-toi. Et ne recommence pas les choses. »

Sur Un gars, une fille, le rythme de la sitcom, du programme court, ça a été formateur ?
Ça a été un accélérateur de comédie formidable. Plan séquence. Deux minutes tous les jours. Tu fais vingt minutes utiles par jour. La caméra est posée, tu rentres, tu sors, il faut que ça joue.

D’ailleurs, c’était un des premiers programmes courts à cartonner. Aujourd’hui, tout le monde s’y essaie…
Ouais, et ça me rend fier. Enfin ce n’est même pas moi puisque c’est un concept québécois. C’est une idée géniale. Rien que d’appeler ça « Un gars, une fille ». C’est toutes les histoires, tous les films, tous les livres. Pas besoin de plus. Les castings, ce n’était pas mon truc. J’ai dû en faire deux dans ma vie dont celui-ci. Génial. Je sortais des Nous Ç Nous, j’enlevais la perruque, je pouvais jouer le trentenaire con, ou plutôt le fantasme du trentenaire. À la fois glorieux et lâche. Il y avait plein de trucs à jouer. On me disait : « Ne fais pas ça. » Pourquoi ? « Parce que ça va te griller. » Pourquoi ? « Parce que c’est de la télé. » Mais c’est bon. Si c’est bon et qu’il y a du talent réuni, ça peut passer toutes les chapelles. Il faut faire sauter toutes ces putains de chapelles. C’est le mal de notre putain de pays, le snobisme. Je déteste ça, je suis anti-snob. Un snob peut me rendre très agressif. Un mec qui porte des mocassins à glands peut me rendre agressif. Je dis des conneries mais je n’aime pas la pensée unique. Je regarde ma petite carrière, elle va du 7 d’or à l’Oscar. Qui avait raison ? Qui a tort ? Personne ne sait. C’est un tout petit milieu qui se goure sans arrêt.

Est-ce qu’au début de votre carrière, on vous a fait sentir que vous ne veniez pas du moule ? Vous n’avez pas fait le Conservatoire ou le cours Florent.
Je sais que je ne suis pas du tout un acteur encarté. Si je me casse la gueule demain, je pense que ce sera plus raide. Le fait d’avoir cette espèce d’étiquette populaire me laisse peu de crédit. Il y a des acteurs qui peuvent faire quarante bouillons, mais comme ils sont encartés à vie, il n’y aura pas de problème. Alors que j’ai l’impression que je fais des choix plus exigeants que certains mecs qui travaillent dans la comédie. Je le sais. Pour autant, on ne me donnera pas ce crédit. Parce qu’on me fera vite remarquer que je suis un acteur populaire. Avec une petite immunité qui s’appelle l’Oscar. L’Oscar, c’est un petit totem qui fait penser à certains : « Attention quand même, il a ce truc-là, on ne va peut-être pas complètement le tuer. On va l’assommer. » Je le sais, je le vois au loin. On reste dans la cour de récré, et dans la cour il y a toujours un critique ou un professionnel dans le rôle du pion pour te dire : « Attention toi, je te vois, ne va pas trop loin. »

Comment vous sentez ça ?
Ça arrive quand tu sors de Un gars, une fille et qu’il y a des chefs déco qui, après t’avoir vu jouer disent : « Tu vois, je ne m’attendais pas à ça ! » Le plus marrant, c’est que ça m’arrive encore. On m’a dit ça sur le Polanski. « Bah ! tu vois, je ne m’attendais pas à ce que tu puisses jouer normalement. » T’es encore une petite tache. Le plus fou c’est que pour eux c’est un compliment. Ils voient les rushs, ils sont contents. Après, tu ne sais pas ce que tu dégages. Tout à l’heure, le journaliste me parlait de mon lever de sourcil systématique en me disant qu’il l’attendait dans chaque film. Il a figé une image sur moi. Effectivement je sais que je suis fiché « comédie ». Je le sais bien. Même Polanski m’a fait raser quelques trucs au niveau des sourcils. (Il imite Polanski)« Je veux que tu enlèves ici et là, ça te redonnera quelque chose de beaucoup plus dur. »

Est-ce que vous auriez envie de vous confronter à des réalisateurs avec des réputations de tyrans comme Kechiche ou Pialat ?
Oui, mais je devrais imposer un truc par mon humeur et savoir dire : « Non, il n’y a pas de place pour l’ego, pour la connerie, pour le pouvoir. » C’est terrible, le pouvoir sur un plateau. Je n’ai pas été confronté à ça et je ne le cherche pas. Donc les luttes de pouvoir, les cris, je pourrais les refuser. Roman Polanski gueule, il peut être dur, mais pas avec moi. Aussi parce qu’il est trop intelligent, il sait que la santé de son film dépend en partie de la relation humaine qu’on a ensemble. J’ai un traitement de faveur parce que c’est le deal. Je suis le véhicule qui va être là toute la journée, donc s’il commence à dérouter le véhicule… Et puis moi je vais le dire : « Je ne prends aucun plaisir. » Je vais dire que je veux partir. Je ne plante pas un tournage parce que je ne plante pas une équipe, je ne plante pas une industrie, je ne plante pas du pognon. Sur un plateau, je suis un gentil garçon. Je fais attention, j’arrive à l’heure, je sais mon texte, je suis poli. Mais quand j’estime qu’à un moment, il y a du foutage de gueule, un abus de pouvoir, je peux enlever un micro et dire : « J’arrête, à demain ! » L’abus de pouvoir ça n’a jamais rien de marrant, c’est un truc de crétin et d’enfant capricieux. L’enfant capricieux, pour le calmer, on doit lui mettre une gifle.

On a l’impression qu’il y a beaucoup de choses dans votre approche du métier qui viennent de votre rapport à l’école. 
L’humiliation m’a constitué. J’ai eu l’envie d’être un homme pour ne plus être un enfant et vivre ça. Je voulais vite m’appartenir, être mon propre chef, et pouvoir claquer la porte quand je veux. Pouvoir dire : « Ce cours m’emmerde, madame, je m’en vais, je ne serai pas votre tête de Turc. » Je me suis beaucoup fait humilier. Quand je vois quelqu’un se faire humilier, ça me fait mal. C’est un truc que j’ai vu à l’armée, par exemple. De ce point de vue-là, on vit dans une société très délétère. Il y a ce besoin d’avoir un bouc émissaire. Moi, le groupe sur l’individu, ça me pose un problème. Ne me demandez pas de flinguer à plusieurs. C’est très bien ce qui est arrivé à Weinstein. Il fallait que ça lui arrive. Polanski c’est différent, c’est complexe. Quand j’ai accepté de tourner avec lui, on m’a dit : « Mais tu vas te couper de l’international. » Je m’en fous un peu. Je ne suis pas juge, moi.

« Moi, le groupe sur l’individu, ça me pose un problème. Ne me demandez pas de flinguer à plusieurs. »

Vous dites que vous avez été un cancre, mais vous avez déjà frôlé la petite délinquance ? 
Jamais, j’étais scout dans le civil. J’étais un bon fils, jamais rebelle, jamais fait de conneries. J’ai dû faire le mur à 14 ans, deux ou trois fois, et à chaque fois je laissais un mot à ma mère : « Je suis parti faire une balade nocturne, je suis passé par le balcon. » Le seul moment où je reprenais un peu le pouvoir c’est quand à la fin de l’année, j’imitais le prof au tableau. C’était le truc ultime.

Est-ce que l’humour naît donc en réaction à l’humiliation à l’école ?
On était quatre garçons dans la famille. J’écoute l’aîné. Il nous ramène les informations un peu fraîches, je me nourris aussi de mon père qui est un mec assez joyeux au rugby, je le voyais chanter sur les tables. J’ai baigné dans un truc assez aimant et joyeux. Et je pense que j’avais des prédispositions, gamin, à retranscrire et à imiter, même si au départ je me voyais bien faire de la BD. J’avais même écrit ça dans une rédaction sur le thème « comment vous imaginez-vous adulte ? ». Ma réponse elle était très précise : « Je vivrai dans un chalet dans les Pyrénées, j’aurai une 2CV bleue et je serai dessinateur humoristique. » Finalement, j’ai vite lâché le dessin, parce qu’il y avait quelques mecs autour de moi avec un vrai niveau de nature à intégrer les Beaux-Arts. Moi, c’était surtout des caricatures à la Édika. La caricature, je l’ai remise dans les imitations. C’est vraiment un truc de petit dernier qui veut faire son intéressant… En tout cas, pendant les repas de famille j’étais en bout de table et, en fin de repas, j’imitais. Puis je l’ai fait en cours et dans les veillées aux scouts, puis au café-théâtre quand j’ai commencé. Ça s’appelle branleur ? Ça s’appelle acteur ? Ça s’appelle quoi en fait ?

On ne connaît pas bien votre cinéphilie. Vous en parlez rarement.
Je ne suis pas un grand cinéphile. En tout cas, je ne vais pas beaucoup au cinéma. Quand on ne tourne pas, on est en promo, quand on n’est pas en promo, on prépare un truc. Donc on est tout le temps dans le cinéma, ça me fatigue un peu de voir en plus des films : tu vois la construction et tu peux être influencé par un jeu. Donc je ne vais pas trop voir, pour être super neuf. De toute façon, j’ai développé une mécanique qui fait que j’observe tout le temps. On me demande parfois, quel est mon passe-temps préféré. Je réponds toujours : « Courir en ville, avec de la musique dans les oreilles. » Courir ça reste le meilleur moyen pour découvrir des gens insolites ou des lieux et en garder des images dans le cerveau. Ça ne fonctionne pas en marchant. En marchant, c’est toi qui es vu, alors qu’en courant, c’est toi qui vois.
Quel type de personnes vous paraît le plus intéressant à observer ?
Vous voyez ces mecs plantés devant les feux rouges qui se mettent à gueuler sans raison : « Enculé ! Putain ! » Ils sont très véhéments, violents. Pourtant quand tu les abordes, ils redescendent en pression et te font un petit « Ah, salut ! ». Ça me fascine… On peut les reconnaître à leur lobe frontal assez particulier. Ils ont développé une tumeur bénigne au cerveau qui leur a enlevé toute inhibition et leur permet de faire des choses totalement incongrues. Malheureusement, comme on ne les prend pas en charge, ils deviennent marginaux. Ils peuvent sortir de chez eux, voir une pancarte avec marqué « Grenoble », et quelques jours après, leurs proches les appellent. « Mais tu es passé où ? »« À Grenoble, bien sûr. » Cette folie-là, elle m’angoisse et elle me fascine.
Au moment de tourner l’adaptation de 99 francs avec Jan Kounen, vous avez passé un peu de temps avec Frédéric Beigbeder en boîte ensemble. Il raconte que vous aviez une bonne descente mais vous n’étiez jamais ivre, ce qui l’impressionnait beaucoup…
Est-ce que je mettais de l’eau dans ma vodka ? Oui, j’avais demandé à sortir avec lui pour le voir un peu. Mais ce n’était même plus vraiment Beigbeder que je suivais à l’époque, c’était le Beigbeder fantasmé de son bouquin, c’était un Valmont de la pub. Dans ses œuvres, il se fantasme toujours. Mais oui, ça fait partie des travaux de préparation un peu joyeux. Mais je ne vais pas au point de prendre de la coke pour voir les effets. Je suis complètement anti-drogues parce que j’ai besoin de contrôle. L’ivresse est intéressante. Mais c’est une bâtarde, l’ivresse. Une mauvaise amie. Parce que derrière, le lendemain, c’est la fatigue, la déprime. Mais quand elle est là, qu’est-ce qu’on s’amuse…

Et la passion pour la ferraille, ça ne vous a pas quitté ? 
C’est ma madeleine. Une pauvre soudure, je fais de l’assemblage. Mon père travaillait là-dedans donc c’est une odeur que je retrouve, comme un bain chaud, un truc enveloppant. Et pourtant c’est de la ferraille, c’est dur, c’est agressif. Il y a un truc sur la matière qui est intéressant, l’idée qu’on peut faire ce qu’on veut.

Autant on ne vous voit pas perdre trente kilos pour un rôle mais on vous verrait bien faire un métier pour rentrer dans un personnage. 
Même sans préparer un film d’ailleurs. Le Daniel Day-Lewis qui plaque tout à un moment de sa carrière pour aller faire des sabots en Italie, je trouve ça superbe. C’est une façon de crier à la face du monde : « Je m’appartiens toujours. » Il y a l’exemple de Jacques Brel aussi qui me travaille souvent. Il est chanteur et il va faire du ravitaillement de médicaments dans les îles Marquises. Savoir dire : « Je ne veux plus chanter, je ne veux plus jouer, maintenant c’est à moi de décider car ma vie est courte », pour moi, ça représente la noblesse absolue. Le jour où vraiment, je n’aurai plus de goût pour le jeu, plus ce feu en moi, cette envie d’amuser, je le sais : j’arrêterai, je ne me montrerai plus… Dans un coin de la tête, il y a toujours ce petit fantasme : je me taille.

Les corps des acteurs américains racontent quelque chose de leur époque. Est-ce qu’il y a quelque chose dans votre corps qui dirait aussi quelque chose de l’époque ? Dans votre manière de jouer des obsessionnels déphasés ?
(Il laisse un silence) Il y a un truc d’individualisme qui ressemble à l’époque oui. C’était déjà le cas dans Brice de Nice. Ce truc d’être totalement en circuit fermé. Sur lui, rien que sur lui, dans sa bêtise. Pareil sur OSS. Et c’est vrai que je reviens souvent à ce truc-là. C’est la même chose dans I Feel Good. Je pense que ça se confirme effectivement depuis les réseaux sociaux, peut-être depuis 2000, depuis qu’il y a un truc qui nous a isolés. Il y a un rapport autocentré. On a basculé dans cette envie de triompher seul, de monter sa petite start-up, seul. Après il y a l’envie d’être seul en scène. Le « tout pour moi ». (Il laisse un autre silence). Brice était assez moderne, en fait. Il avait anticipé un truc d’extrême solitude. (Encore un silence.) Après, bon, j’ai un corps de comique !

Quand vous faites la grimace du chameau, c’est votre carte secrète pour détendre l’atmosphère ?
C’est un truc que j’utilise pour dire : « Tout ça n’est pas très grave. » J’avais fait un petit texte pour Belmondo aux César pour dire qu’effectivement, le cinéma c’est sérieux, mais ce n’est pas grave. C’est ce que je pense. Je le fais sérieusement mais pas à tout prix. Quand tu vois un article qui te casse la gueule, t’es là : « Mais là vous ne faites pas une critique du film, vous me cassez la gueule. » Quand tu prends un peu de recul, tu te dis que c’est quand même un peu absurde ce qu’on vit. Ça m’arrive souvent de me dire ça sur les tournages de nuit. Je me dis : « C’est complètement con, la nuit on dort en fait, on n’a rien à foutre là. » Et tu vois des mecs très sérieux : « Moteur demandé ! Non s’il vous plaît ! Taisez-vous ! » Et qui font chier tous les gens qui dorment autour. Tu te dis que ce n’est quand même pas très sérieux. C’est une œuvre d’art, mais au moment où tu le fais, tu te dis que c’est absurde.