JULIE KEEPS QUIET de Leonardo Van Dijl

Présenté à la Semaine de la Critique, lors dun Festival de Cannes où la question des violences sexuelles naura peut-être jamais été aussi présente, Leonardo Van Dijl signe un premier film tendu autour dune jeune joueuse de tennis qui se défait doucement de lemprise de son entraîneur.  Par Léo Ortuno.

Dans un club de tennis belge réputé, l’entraîneur principal est mis à pied. Une jeune joueuse a mis fin à ses jours et il pourrait bien avoir une responsabilité dans cette histoire. Si l’organisation du club est bouleversée, c’est aussi toute la vie de Julie qui bascule : le tennis est son moteur principal et rien ne peut lui faire rater un entraînement. Sans coach, elle perd ses repères et il ne faut pas plus de quelques minutes pour comprendre qu’elle a aussi souffert de l’emprise de cet homme. Dans ces premières séquences, Julie Keeps Quiet met brillamment en scène son héroïne en opérant un jeu précis autour de la netteté. Alors que plusieurs personnages occupent les plans, ils apparaissent tous légèrement flous ; Julie mise à part. Quand au contraire, la directrice du club annonce qu’il va y avoir des entretiens individuels pour témoigner, la jeune sportive est la seule qu’on ne distingue pas vraiment : une zone grise qui la désigne tacitement comme victime. Difficile de savoir ce qu’elle a réellement vécu, mais par ce geste simple, le cinéaste nous indique qu’elle a bien des choses à dire. Pourtant, Julie va s’enfermer dans un silence de plomb, que le titre de ce long-métrage parfaitement maîtrisé nous avait déjà annoncé. 

Zendaya au vestiaire 

Dans Challengers, quia récemment remis le tennis sous le feu des projecteurs, Zendaya, Josh O’ Connor et Mike Faist tapent la balle à grand renfort de montage cut. À l’inverse, nul besoin de s’appeler Nelson Monfort pour saisir que dans Julie Keeps Quiet, la balle n’est pas ajoutée en post-production. Tessa Van den Broeck est une vraie joueuse et passe devant la caméra pour la première fois. Sa détermination et son sérieux transparaissent à l’écran et composent le portrait d’une jeune femme dans un état de concentration permanent. Les sentiments n’ont guère leur place sur le court mais la retenue est aussi de mise dans sa vie de tous les jours.Leonardo Van Dijl inspecte cette carapace avec une confiance absolue. Il évite les pièges du film post-metoo et troque à un discours appuyé une observation patiente de Julie et de son entourage.

De fait, l’ancien entraîneur est dépeint comme un véritable prédateur. Il rôde et tourne, tant autour du film que de son personnage principal. D’abord seulement évoqué au détour des dialogues, sa première apparition est sonore avant qu’il n’apparaisse à l’écran. Une manifestation progressive, insidieuse, animale, qui le rend d’autant plus oppressant. À cette présence fantomatique s’oppose un environnement d’une bienveillance salvatrice. De sa famille à l’école, en passant par les autres membres du club, tout le monde semble être à l’écoute et prêt à accueillir la parole. Même la musique de Caroline Shaw, composée de chœurs féminins, paraît soutenir son personnage. Le mutisme inébranlable de Julie devient, alors, aussi suffocant que mystérieux ; et le moindre sourire sonne comme une délivrance.

Julie Keeps Quiet (Semaine de la Critique), prochainement.