KOBAN LOUZOÙ & LA TOURBIÈRE de Brieuc Schieb

Les deux films du breton Brieuc Schieb proposent de parler de communauté en sortant des sentiers battus. On y découvre avec joie une direction d’acteurs pétillante d’improvisation, et un goût pour les bandes légèrement ‘dupers’.

Il n’a pas encore de premier long à son actif, mais Brieuc Schieb est déjà dans le radar des festivals. Avec Koban Louzoù, discret film de troupe, il nous invite chez les néoruraux, en Bretagne, dans le petit théâtre d’une ferme autogérée. Au programme : méditation et maraîchage. Sur le papier, les cinq participants auraient dû devenir “des citoyens de cette ferme” comme le pose Aymeric, un Virgil Vernier en patron utopiste et névrosé. Mais leur charte sera bientôt contrariée par des individualités pas du tout solubles dans le groupe. De dépression en nervous breakdown, cette communauté un peu lunaire renoue avec la vertu du décalage, pas seulement comique, et pointe les entraves auxquelles peuvent faire face les rêveurs et les utopistes d’aujourd’hui. C’est ce qui fait le charme de cette chronique bucolique, où on s’attache à la trajectoire d’Audrey, 25 ans, tout juste arrivée dans la ferme : le but n’est pas tant d’évoquer l’autogestion elle-même, que le bagage que se trimballent chacun de ces drôles de citoyens. La quête de soin et de guérison qui les a menés jusqu’ici devient alors le prétexte pour une mini-thérapie de groupe assez réjouissante.

Koban Louzoù (2023) © Petit Chaos

L’Amour est dans le pré
C’est de circonstance, en ce début de mois de janvier : La Tourbière (26 minutes) s’ouvre comme une gueule de bois de Nouvel An. Trois ados zonent sur un terrain de foot désert, dans une banlieue résidentielle. Le fantôme de leur pote – décédé un an plus tôt – hante le film. La force du film vient tout de suite du mélange d’images. Captures d’écrans de messages MSN, found footage de caméscopes, captations du carnaval de Douarnenez forment une mosaïque de temps suspendus. Et les glissements d’un registre d’image à l’autre font résonner la nostalgie de ces moments vides – moments d’avant Instagram, à contre-temps du temps de la story. La tonalité lunaire est posée, accompagnée de blagues débiles et d’absurdes temps morts, prête à déployer l’émotion un peu inexplicable que dégage toute bande d’ado en déshérence. Et puis on comprend que le film est plus terre-à-terre, qu’il parle de ce qui est présent là tout de suite et à jamais entre des potes qui traînent ensemble dans leur quartier, un amour inconditionnel peut-être, ou bien juste une capacité à rêver ensemble. Leur pote mort est une absence au milieu d’une zone déjà désertée : celle des banlieues pavillonnaires et des vies périphériques (on pense à Chien de la casse). Dans ce requiem de l’âge de la puberté, le cinéaste ose des trucages what the fuck au diapason de ses protagonistes. Par exemple lorsqu’une éponge respire dans la main d’Uzec, sur le port. Souvenir loufoque de leur pote y ayant perdu la vie un jour de carnaval – vêtu pour l‘éternité d’un costume Bob l’éponge. Les deux films trouvent leur résolution dans un même type de scène : un pogo collectif. Une grosse embrassade réunit tous les protagonistes en liesse, dans l’émotion brutale et universelle de la fosse de concerts. Voilà le projet habile de ce dyptique brut de pomme : célébrer la promesse d’une tendresse collective et désaxée.

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