LA MIF de FRED BAILLIF

Porté par une troupe de comédiens amateurs du jeu mais professionnels du social, La Mif de Fred Baillif nous plonge dans l’univers des foyers pour mineurs en Suisse. Un film porté à ébullition par ces adolescentes révoltées contre l’univers tout entier et qui vivent une jeunesse à contre-courant. Après des années passées à diriger différents foyers, Claudia Grob a, elle aussi, fait ses débuts devant la caméra. Elle raconte cette expérience pas comme les autres.

Comment vous êtes-vous retrouvée sur ce projet ?
J’étais directrice de plusieurs institutions à Genève et il y a une vingtaine d’années, Fred Baillif était stagiaire chez moi. Il a fait aussi une formation d’éducateur. Quand il est parti, on est resté en contact, j’ai continué à le suivre quand il a commencé à faire des films, et on se voyait, on discutait. Un jour il m’a dit : « Je vais faire un nouveau film sur certains sujets dont on parle parfois ensemble », et il m’a proposé un rôle. J’ai d’abord dit que je ne savais pas faire ça et puis finalement comme j’allais bientôt partir à la retraite, j’ai trouvé que c’était peut-être quelque chose à tenter.

Vous avez pris des cours de comédie avant de vous lancer dans le film ?
Pas du tout, Fred a travaillé avec une seule personne qui était comédienne. Deux sont des éducateurs qui sont ensuite partis vers le théâtre mais le reste du casting n’avait jamais joué. C’est ce qu’il recherchait : des gens qui vivent en institution, dont c’est réellement le métier. Pendant deux ans, il a organisé des ateliers d’improvisation. Il nous disait : « Bon, là, tu imagines que tu accueilles une jeune fille dans ton institution », par exemple. Pendant les ateliers d’impro, il y avait toujours la caméra et le micro pour que l’on s’y habitue. Et puis on ne connaissait pas le scénario du film, on avait les grandes lignes mais c’est tout.

Donc tous les dialogues sont improvisés ?
Oui, même nos réactions le sont, vu qu’on ne connaissait pas le scénario. Par exemple, lors d’une scène de fête d’anniversaire, il m’a prise à part et il m’a dit : « Là, quelqu’un va arriver, et c’est toi qui vas te lever pour aller l’accueillir. » Je ne savais pas du tout que ce serait un policier. C’était comme ça tout le film. Après, on n’était pas sans rien non plus : Fred faisait ce qu’il appelle des « autoroutes ». On avait tous une consigne mais personne ne savait quelle était celle de l’autre. La mienne, c’était : « Tu es comme d’habitude mais parfois ton regard se perd au loin et à l’intérieur de toi tu comptes dix crocodiles. » Du coup, ça crée des tensions…

Quelles étaient vos relations avec les adolescentes ?
C’était très spécial parce que pour certaines je les connaissais depuis longtemps. Elles étaient dans l’institution où je travaillais. Quand on a commencé à tourner, je venais de partir à la retraite donc c’était aussi une manière de les revoir et ce que j’ai trouvé magnifique, c’est qu’on était toutes dans la même situation. On ne savait pas trop si ça allait marcher. Il n’y avait plus rien de professionnel, plus de hiérarchie, rien. Après, quand on est éducatrice, c’est comme les scouts : éducatrice un jour, éducatrice toujours ! Je me faisais parfois du souci pour elles, mais elles ont été très fortes. Fred leur a demandé de s’inventer une histoire et de construire leur personnage autour. Quand j’ai vu le film pour la première fois, je me disais : « Oh la la ! je ne me rappelais pas qu’elle avait vécu ça ! » Mais en fait non, c’était du cinéma.

Vous trouvez que le film est une bonne représentation de la vie en foyer ?
En tout cas, toutes ces situations, je les ai vécues de près ou de loin au cours de ma vie professionnelle. La réaction est assez unanime : pour les professionnels, ils se voient au travail, et les jeunes se sentent de retour au foyer.