OLLI MAKI

– LE FILM DE LA SEMAINE : Olli Mäki –

The Happiest Day in the Life of Olli Mäki raconte l’histoire du Finlandais, défait par le champion du monde par KO à la deuxième manche devant un stade olympique plein. Malgré l’humiliation, Olli qualifie ce jour de plus heureux de sa vie. Parce que même dans la Scandinavie en noir et blanc, toutes les histoires sont des histoires d’amour. Par Charles Alf Lafon
 
Ayant gagné le prix Cinefondation en 2010 pour The Painting Sellers, le réalisateur finlandais Juho Kuosmanen sait que son premier long sera présenté au Festival de Cannes. Une sacrée pression. Et puis un jour, il va voir une pièce de théâtre consacrée à Olli Mäki, un boxeur des années 1950-1960 qui vient de la même ville que lui, Kokkola. Pendant la représentation, il ne sait pas vraiment quoi en penser, mais commence à réfléchir au genre d’histoire qu’il voudrait raconter, à quelle facette du personnage mettre en lumière. Le rideau tombé, il voit l’homme de la soirée en pleine discussion avec des anciens à propos de son combat pour le titre de champion du monde en 1962, perdu face à l’Américain Davey Moore. « Ils pensaient tous que ce devait être le pire jour de sa vie, cette humiliation devant ce stade comble, et il a répondu que c’était en fait le plus heureux », détaille Juho.Cette défaite débarrasse enfin Olli de tout le cirque médiatique qui l’entoure depuis l’annonce de sa tentative. « Les attentes des gens étaient complètement folles, situe leréalisateur. C’était la première fois que cela arrivait en Finlande. Il y a eu un documentaire sur son entraînement et ils ont essayé d’en faire un héros, c’est tout à fait faux. On peut voir dans ses yeux que tout cela, la gloire, les titres ne l’intéressent pas. » Mais il y a une raison encore plus importante pour le bonheur d’Olli. Défait sur le tapis, l’homme sourit ignorant le sentiment de déception autour de lui. Peu avant de monter sur le ring, l’élue de son cœur, Raija, a dit oui.


 
Avant la pesée
Le film nous présente Olli à 25 ans, trois ans après qu’il soit devenu champion d’Europe poids léger amateur et deux ans après avoir été viré de l’équipe olympique pour ses accointances communistes. Dans quelques semaines, il aura la chance de participer au premier combat pour un titre mondial jamais organisé à Helsinki. Mais surtout, l’histoire commence par un mariage auquel se rendent Olli et la douce Raija ; elle l’embrasse après lui avoir dit que « l’amour est une chose sérieuse ». Mais commencée par hasard, comme le raconte aujourd’hui Raija : « Nous nous sommes rencontrés à Perho, le village dont je suis originaire. La voiture d’Olli était tombée en panne alors qu’il se rendait à Helsinki avec des amis. Mes parents les ont autorisés à passer la nuit à la maison. Trois semaines plus tard, Olli est revenu réparer sa voiture. On s’est alors revus au dancing. Et puis on est allés à plusieurs mariages dont aucun ne ressemble vraiment à celui du film. » Les festivités terminées, le couple déménage à Helsinki chez le manager d’Olli, Elis Ask. Une période difficile : Elis a peu d’argent, doit emprunter à droite et à gauche, et sa famille est nombreuse. Et en plus des médias qui pullulent et des engagements sans fin, Olli doit perdre du poids pour entrer dans la catégorie poids plume avant le combat pour le championnat du monde. Pour y parvenir, il se prive. « Le matin avant d’aller à la pesée, il m’a fait pitié, il n’a même pas voulu avaler une fraise. Il est allé au combat avec quelque appréhension parce qu’il se sentait faible, la tête vide parce qu’il était affamé », se souvient Raija. Mais sa journée est bouleversée bien avant de monter sur le ring : Ollis et Raija décident que ce jour-là sera le plus important de leurs vies, advienne que pourra le soir au combat, car il sera surtout le jour de leurs fiançailles. « C’était le plus beau jour de ma vie. La sœur d’Olli nous accompagnait. Elle a demandé à Olli s’il avait acheté un cadeau de fiançailles, et Olli n’était pas au courant que cela se faisait. Après nous avons fêté ça au café avec deux de mes frères et leurs épouses. Ils nous ont offert une pelle à tarte en argent que nous avons toujours. Olli nous a laissés pour se préparer avant le combat. » Un combat qu’il a donc rapidement perdu, mis trois fois au tapis par Davey Moore dans la deuxième reprise. Mais après, Olli et Raija sont allés manger, enfin, heureux. Aujourd’hui, ils le sont encore, même si Olli, malheureusement, souffre d’Alzheimer. Peut-être d’ailleurs, est-ce aussi pour cela que le film The Happiest Day in the Life of Olli Mäki, agit sur le cœur et le corps de la discrète Raija comme un baume apaisant. Il immortalise les souvenirs, alors forcément Raija ne se prive pas de le rejouer quand le besoin s’en ressent. « Nous avons vu le film six fois et chaque fois je pleure. »
Tous propos recueillis par C.A.L.