THE YOUNG LADY de William Oldroyd

– Le film de la semaine : THE YOUNG LADY –

Voilà un cinéaste anglais issu du théâtre qui adapte un roman de qualité dans un film d’époque avec une jeune héroïne intrigante… Impression de déjà-vu ? Pas du tout. Oldroyd renouvelle le genre avec brio, humour et une bonne dose de méchanceté.
 
En 2011, Andrea Arnold adaptait Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë et enveloppait les conflits sociaux et raciaux de l’époque dans un style éthéré et atmosphérique digne d’un nouveau cinéma de qualité d’influence publicitaire. Son compatriote William Oldroyd se sert du roman de Leskov, Lady Macbeth du district de Mtsensk (1865), avec le même esprit ludique, les mêmes inquiétudes et une semblable palette sentimentale, mais il semble guidé également par une certaine méchanceté. Savoir être méchant au moment d’adapter un tel roman implique deux choses : 1) c’est plus drôle, et 2) cela dilue le risque de « sublime sensoriel » qui flotte toujours dans ce genre de films.
Ici, la jeune actrice Florence Pugh, qui joue le rôle de Katherine, épouse méprisée d’un mariage de connivence qui la condamne à une vie d’ennui mortel à la campagne, semble se battre contre toute notion d’enfermement, de film d’époque austère, géométrique, européen. Elle irrigue le personnage et le film d’une volonté drastique de « dé-corseter », de sortir de cette ossature étouffante. Katherine, future Lady Macbeth, ne respire pas la liberté de Marie-Antoinette que Sofia Coppola contemplait avec l’admiration d’une ado pas très jolie devant la fille la plus populaire du lycée. Katherine est plutôt comme espionnée par Oldroyd, jusqu’à sa violente libération. Terrible, ambiguë, machiavélique, la prise du pouvoir de Katherine ne cache pas sa dimension de libération féminine.

Du vin et du jeu

Pour reprendre la comparaison avec Sofia Coppola, si l’Américaine faisait exploser la chronologie avec un goût certain pour l'anachronisme, William Oldroyd prend moins de risques mais demeure tout à fait anachronique en nous présentant avec une apparente solennité historique une femme qui agit comme n’importe quelle fille de son âge au XXIe siècle. Elle boit du vin à grandes gorgées et consomme ses désirs sans demander la permission à personne et sans le moindre scrupule. Oldroyd cumule tout naturellement ces petites incongruités d'époques jusqu’à produire un humour fragile et étonnant qui contrebalance la cruauté des événements. The Young Lady est un film au climat tordu, mais que le spectateur regarde avec un demi-sourire, à l’image du chat qui contemple Katherine attablée à la place de sa prédécesseure. Antipathique et désagréable, cette première épouse était la première victime de la société patriarcale, dont la mort en off est mise en scène avec une grande élégance. À partir de ce moment-là, la roue du crime n’arrêtera pas de tourner, et quand elle finit par toucher les plus innocents, il n’y a plus de place pour aucune éthique. Une seule présence demeure inébranlable, celle de Florence Pugh. Dans un genre qui a toujours cherché ses actrices parmi les stars les plus en vogue, le débutant Oldroyd a su qu’il ne pourrait marquer sa différence qu'en révélant une nouvelle présence. Et elle traversera le temps. - Alfonso Crespo  

The Young Lady, un film de William Oldroyd, avec Florence Pugh, Christopher Fairbank, Cosmo Jarvis… Actuellement en salles