LE PARFUM VERT de Nicolas Pariser

Après deux films aux thèmes politiques et sérieux, Nicolas Pariser opte pour la légèreté assumée avec cette comédie d’espionnage enlevée qui convoque les fantômes d’Agatha Christie, d’Alfred Hitchcock et d’Hergé sur un rythme de BD franco-belge. Le vert avait son rayon surréaliste, son soleil décadent, il a maintenant son parfum mystérieux.

Nicolas Pariser semble affectionner les duos. Dans Le Grand Jeu, il réunissait André Dussollier et Melvil Poupaud, puis Alice et le Maire rétrécissait encore son intrigue autour de Fabrice Luchini et d’Anaïs Demoustier. Le mécanisme du Parfum vert ne déroge pas à la règle avec une Sandrine Kiberlain en auteure de bande dessinée apprentie Sherlock Holmes, volontaire et intelligente (façon Fanny Ardant dans Vivement dimanche) et un Vincent Lacoste, comédien de théâtre repeint en faux Gaston Lagaffe attendrissant bien que légèrement plaintif et qui ne déparerait pas dans une comédie d’aventure à la Woody Allen. Ensemble, ils vont tenter de démêler le meurtre d’un comédien de la Comédie-Française qui s’effondre sur scène, prenant le temps de glisser à l’oreille de son camarade de jeu un énigmatique : « parfum vert » …

Le Parfum Vert (2022)

Tweed et patchworks
À partir de ce moment-là, Pariser s’amuse. Avec les références surtout. Au commencement, il avait en tête un projet de film pastichant la période anglaise d’Alfred Hitchcock, avec Vincent Lacoste, déjà, écumant en tweed la campagne pluvieuse. Projet difficilement réalisable financièrement, voici donc Le Parfum vert et son scénario en forme de patchwork brassant de multiples inspirations. La référence centrale à Hitchcock est restée, en témoigne cette scène d’enlèvement calquée sur l’introduction de La Mort aux trousses dont la scène dans les couloirs de l’ONU a certainement inspiré la poursuite dynamique à Bruxelles du tandem. Mais à cela, il faut y ajouter une intrigue proche de celle des 39 Marches et du Monogramme de perles de Joséphine Tey, et surtout l’univers de la bande dessinée, au premier rang duquel les Tintin à la géopolitique candide des années 30 : dénouement simple mais malin des énigmes proposées, poursuite en fondu enchainé telle des cases qui se succèdent, apparition d’espions faux jumeaux à la Dupond et Dupont… Pariser les enchaîne avec joie et malice, jusqu’à tout arrêter d’un coup au beau milieu de son récit pour traiter de l’Europe comme territoire traumatisé par l’antisémitisme d’hier, le fascisme d’aujourd’hui et le complotisme technologique de demain.

L’idée est louable, donne du corps à ce qui était sur le papier un simple film d’espionnage sympathique, rattachant l’histoire politique de l’Europe du XXe siècle à celle de la culture ashkénaze. Mais elle passe par un long monologue dans une scène mêlant séduction, récit personnel, réflexion sur la nourriture orientale et recette de pâtes ne mettant pas l’eau à la bouche, plombant de fait légèrement le rythme du récit. Qu’à cela ne tienne, Pariser revient assez vite à ce qu’il sait faire avec une scène finale aux multiples chassés croisés et intrigues dans un théâtre hongrois, qui n’est pas sans rappeler, référence toujours, le To Be or Not to Be de Lubitsch. Au-delà du feu d’artifice de références, le film mêle aussi les époques. Certes les personnages ont des téléphones portables, mais les décors des seventies, les habits mi-années 2000, mi-années 30, les méchants post-nazis, les loges de théâtre rococos et désuètes tissent une fresque ni rétro, ni futuriste, mais bien personnelle qui colle parfaitement à ce 35 mm intemporel, servant élégamment une mise en scène au premier abord simpliste mais beaucoup plus efficace et riche qu’elle n’y paraît.