MONEYBOYS de CB. Yi

Repéré à Cannes (Un certain regard), Moneyboys est un film à deux visages à tous les niveaux. Léger et onirique à certains moments, dur et froid à d’autres. Produit en Europe mais racontant une histoire purement chinoise, C.B. Yi a su donner vie avec élégance à cette histoire de jeunes hommes se prostituant pour venir en aide à leur famille.

D’origine taïwanaise, C.B. Yi quitte son pays d’origine pour l’Autriche alors qu’il entre à peine dans l’adolescence. Là-bas, il étudie le cinéma avec comme professeur, Michael Haneke en personne. « J’ai d’abord appris les codes européens du cinéma, mais pendant mon cursus, je me suis beaucoup intéressé au cinéma asiatique… »,confie-t-il. Ses racines l’intriguent, alors son premier film, il le fera en Chine. C.B. Yi commence à plancher sur le scénario il y a huit ans. En quête d’un minimum de vraisemblance, il part à la rencontre de nombreux « moneyboys » pour s’imprégner de leurs histoires. Dans un premier temps, il envisage même d’en tirer un documentaire, mais entre les sujets tabous abordés et l’imprévisibilité du format, il se rabat sur la fiction : Fei, jeune Chinois parti de sa campagne pour aller travailler en ville et aider sa mère malade, fait partie de ces hommes qui se prostituent pour subvenir aux besoins de leur famille. Il navigue à vue, entre les souvenirs de son premier amour, les retrouvailles avec un ami d’enfance et les critiques de sa famille concernant son mode de vie.

L’argent des garçons
On le sait : s’attaquer à ce genre de sujets étiquetés « LGBT+ » en Chine relève de la gageure. C.B. Yi se souvient : « Quand j’ai commencé les castings, certains acteurs voulaient participer mais ils m’ont ensuite appelé pour me dire que leurs managers leur avaient dit que c’était ‟mieux pour euxˮ de ne pas prendre part à mon film. » La décision s’impose : directionTaïwan où le mariage entre couples du même sexe vient justement d’être autorisé depuis 2019, grâce à un gouvernement plus progressiste. Cependant, si les acteurs et les décors sont taïwanais, tout se passe en Chine, où la prostitution est illégale et l’homosexualité à peine tolérée. Souci de réalisme, là encore. Si les personnages féminins ne sont pas au centre de l’histoire, ils agissent comme une aura protectrice autour des jeunes moneyboys. Tous campés en toute subtilité par la même actrice – l’excellente Chloe Mayaan –, ils représentent des figures maternelles, là pour guider, conseiller, rassurer. Dans Moneyboys, on est bercé par des lumières chaudes et intenses et des plans lancinants, mais C.B. Yi n’hésite pas à nous en extirper par des séquences violentes et éprouvantes qui rappellent qu’il n’a pas été formé par n’importe qui… Le film oscille constamment entre le rêve d’émancipation de ses personnages et la tentation de les ramener à leurs tourments quotidiens. Conséquence : on en sort harassé mais avec la certitude qu’il faudra suivre ce cinéaste qui refuse à la fois le confort et la facilité.