NAPOLEON : « Ridley est une bête ! »

Depuis leur rencontre, ils vivent une sacrée lune de miel : en cinq ans, le producteur Kevin Walsh a fait quatre films avec sir Ridley Scott. Il a bien voulu revenir sur la gestation de leur dernier (gros) bébé.

On sait que Ridley Scott tourne très vite mais c’est fou de voir à quelle vitesse il est capable d’enchaîner sur un tel film… C’est grâce à vous ?
Ridley est une bête ; il a une endurance incroyable. Voir un réalisateur passer de Gladiator à Tout l’argent du monde, de Gucci à Napoléon… C’est une si belle tapisserie de travail ! Il bosse comme un « chainsmoker » il fume une cigarette et allume la suivante tout de suite. Et il gère la réalisation d’un film comme s’il était un général. Chaque lundi de chaque semaine, nous nous asseyons avec tous les chefs de poste et on lit le scénario pour identifier les problèmes. Ridley donne le ton.

Selon vous, qu’est-ce que ce nouveau Napoléon apporte de frais et de différent de ce que l’on connaissait des personnages ?
Tout ce que nous voyons à l’image a été tourné en décors réels. Par ailleurs, nous n’avons jamais vu de film sur Napoléon à travers le prisme de sa relation avec Joséphine qui est si dysfonctionnelle. Il était accro à sa femme et à cet amour, et je pense que voir quelqu’un de si impuissant et faillible dans sa vie amoureuse mais si maître de lui et puissant dans sa vie militaire, en tant que leader et dictateur, c’est vraiment intéressant.

Parlez-nous des scènes de bataille : quels ont été les enjeux ?
Nous n’avons pas embauché de vrais militaires parmi les figurants, mais nous avions de nombreux tacticiens et des conseillers militaires. Nous avions entre 400 et 800 figurants sur le plateau pour toutes ces batailles. Ridley tourne avec 8 à 12 caméras, c’est comme une sorte de ballet qu’il monte quasiment en direct. Il n’y a qu’à voir l’ampleur de Waterloo, avec tous les canons… Les gens pensent que ce sont des effets spéciaux mais je l’ai sur mon téléphone. Tout est filmé : les chevaux, les soldats, la terre, le sang… Ce tournage, ça m’a donné envie de faire des films jusqu’à ma mort.

On imagine un gros travail de reconstitution aussi ?
Pour nous, l’enjeu était bien sûr de trouver les bons canons, les chevaux avec les vraies selles d’époque… Chaque drapeau, chaque uniforme de combat est fidèle. Vous savez, Ridley dessine à la main chaque plan, et si nous avons fait notre travail et que nous mettons ces figurants dans leurs costumes et que nous faisons sortir les chevaux, lui il sait exactement où iront les caméras. Il appelle ça de la « géométrie ».

Qu’a apporté Joaquin Phoenix au personnage ?
Il a apporté sa minutie au scénario, à chaque scène… Ridley a récemment déclaré en riant : Joaquin m’oblige à rester honnête. C’est comme s’il avait un détecteur de bullshit intégré en lui.

C’est compliqué avec les assurances sur ce genre de films, étant donné que Ridley Scott a plus de 80 ans ?
Il faut que vous écriviez ça : il a une santé de fer. Je me souviens, nous étions en repérages dans toute la France en hélicoptère pour Le Dernier duel, et je jure devant Dieu que nous avons atterri à proximité d’un château, je suis sorti d’un côté de l’hélicoptère et lui de l’autre. En une minute, j’ai fait le tour et il avait déjà disparu de l’autre côté de la colline. Il doit travailler et il est insatiable. Si j’arrive au point de rendez-vous vingt minutes en avance, il est déjà parti. C’est surnaturel…

Entretien à retrouver dans Sofilm n°100, en kiosque le 16 novembre !