NOOMI RAPACE : « L’Islande m’a sauvé la vie »
Noomi Rapace présentait Lamb à Un Certain Regard, un ovni islandais SF osé et détonnant. Elle revient sur ses origines et ce projet radical.
Vous êtes née en Suède, mais vous avez déménagé en Islande alors que vous étiez encore enfant, n’est-ce pas ?
Mon père est espagnol, ma mère est suédoise mais mon beau-père est islandais. Ma mère et mon beau-père se sont rencontrés en Suède, puis on a déménagé là-bas quand j’avais cinq ans. On y a vécu pendant trois ans et demi et je suis tombé amoureuse de l’Islande, qui m’a tout simplement… Sauvé la vie. Ce pays m’a ouvert les bras, et l’énergie islandaise est tellement brute que c’est un peu comme si le pays lui-même était un personnage. C’est vrai dans Lamb, mais c’est vrai dans la vie aussi. C’est un pays dont on dirait qu’il est si jeune, si rebelle… Il y a beaucoup d’énergie dans la nature, en Islande. Je me souviens d’une fois où j’avais peut-être sept ans, et où je jouais avec des blocs de glace… Comme on fait là-bas, quoi ! Il y a un oiseau qui s’est posé – je dirais que c’était un faucon mais c’était peut-être un aigle, je ne connaissais pas la différence à l’époque mais un “rapace” en tous cas (Noomi a choisi le pseudonyme « Rapace » en 2001, ndlr). Cet oiseau me regardait, et je me souviens m’être dit “ça, c’est Dieu et voici mon royaume”. On est repartis vivre en Suède après ça, mais l’Islande m’a toujours manqué, j’ai toujours voulu y retourner.
Vous y êtes beaucoup retournée, avant de le faire pour Prometheus d’abord, et Lamb dernièrement ?
Quand j’étais jeune, j’y retournais tous les étés pour me faire un peu d’argent de poche, vu que ma famille n’avait pas beaucoup d’argent. Je travaillais dans des serres de tomates avec ma grand-mère, la mère de mon beau-père, dans le centre du pays – alors que la ferme de Lamb est dans le nord. Mais on habitait dans une ferme après être retournés en Suède, je connaissais la vie sur une ferme de toute façon.
Comment vous êtes-vous retrouvé à travailler sur Lamb, un premier film venu d’un pays dans lequel vous n’aviez jamais tourné en tant qu’adulte ?
Valdimar (Jóhannsson) est venu me voir chez moi, à Londres, et tout de suite, après deux heures avec lui, je lui ai dit que j’étais partante, que je ferai le film. Il n’avait fait qu’un court-métrage et il est un peu timide, c’est un homme assez spécial, qui ne s’impose pas et ne fait pas d’auto-promotion… Mais sa timidité, sa sensibilité font que j’irai n’importe où avec lui. Mon intuition était si forte et depuis que j’ai fait Lamb, j’ai l’impression d’avoir reconnecté avec quelque chose que je devais retrouver, et tous mes choix de carrière ont été différents depuis : je retourne au cinéma indépendant dans lequel j’ai débuté.
Lamb était aussi votre première expérience de tournage en islandais ; la transition était-elle facile ?
C’était la première fois que je jouais en Islandais et c’était génial, franchement. Je n’ai pas eu besoin de prendre de coach parce que je le parle depuis petite, mais le tournage m’a surtout rappelé que le langage n’est qu’une petite part de la façon dont on communique : dans le film, je communique avec des animaux qui ont des rôles majeurs dans le film, et c’était des dialogues très forts, même s’ils n’étaient pas écrits.