ON DIRAIT LA PLANETE MARS de Stéphane Lafleur

La première mission habitée sur Mars est en péril. Une branche canadienne de l’agence spatiale est envoyée en plein désert pour anticiper les conflits qui se trament des millions de kilomètres plus haut. Et qu’importe si le vaisseau est en préfabriqué ou que le commandant est un prof d’EPS en année sabbatique. Une comédie déconcertante, qui fait redescendre sur terre le space opera.

Le cinéma répond à ses propres lois physiques : ses films sont généralement moins lourds sur terre que dans l’espace et ce n’est pas le quatrième long-métrage de Stéphane Lafleur qui nous fera penser le contraire. La première mission habitée sur Mars en péril, le cinéaste québécois choisit de braquer son télescope des millions de kilomètres plus bas, sur une équipe canadienne de l’agence spatiale envoyée en plein désert pour reproduire, anticiper et résoudre les différents conflits qui pourraient survenir là-haut. De la science, puisque ces missions de simulation martienne existent réellement, pour réaliser toute une batterie d’expériences ou pour évaluer les effets d’un tel isolement sur les participants dans l’espace. De la fiction aussi, puisque les cinq anonymes sélectionnés dans le film pour leurs personnalités quasi identiques à ceux des astronautes doivent chaque matin jouer un rôle dont les grandes lignes et les intentions leur sont dictées par fax. Parmi les nombreuses bonnes idées du film, aussi comique que lourde de sens, les participants masculins peuvent parfaitement incarner une astronaute du sexe opposé, et inversement.

Pas si seuls sur Mars
Et qu’importe si la troupe n’a pas voyagé en fusée mais dans un vieux bus scolaire pour arriver à destination, qu’importe s’ils vivent dans un vaisseau en préfabriqué, respirent de l’air pur et se déplacent à quad, la chronique de la vie sur la planète rouge – du moins ce qu’on prétend être la planète rouge – se met en place, à mi-chemin entre loft story et le camp scout cosmique. Ici, on s’engueule à propos de tracas du quotidien, des ronflements de son voisin ou du nombre de morceaux de sucre que l’on devrait être autorisé à mettre dans son café. De quoi rappeler à nos concitoyens qui fantasment sur les voyages aux confins de l’univers que la première mission du chouchou national Thomas Pesquet – deuxième personnalité préférée du pays derrière l’extraterrestre Jean-Jacques Goldman – a été de réparer les toilettes de la station spatiale internationale, tombées en panne côté américain comme côté russe. Et malgré les nombreux sujets qui gravitent autour – la science, les rêves de gosse, l’administratif, les techniques de management, les masculinités fragiles – On dirait la planète Mars avance en apesanteur, sans jamais faire sentir le poids de son scénario à trois dimensions : les nouvelles de la planète Mars, les intrigues rejouées par les participants et celles qu’ils ne tardent pas à éprouver sur terre. Un film profond et tranquille, percuté par quelques bonnes vannes lunaires. On se dit que, contrairement à nombre de ses confrères, Lafleur ne s’est pas cassé les dents à vouloir effectuer un grand pas pour l’humanité, qu’il s’est satisfait de réaliser un petit pas pour l’homme, sans y perdre en grâce.