LE SERMENT DE PAMFIR de Dymtro Sukholytkyy-Sobchuk

Présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes cette année, Le Serment de Pamfir sort en salles ce 2 novembre. Une oeuvre très sombre qui acte la naissance d’un cinéaste ukrainien ultra prometteur : Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk.

La plus grande ambition dans la vie de Pamfir se résume à éviter que Nazar, son fils adolescent, marche sur ses traces. Dans un village placé sous la coupe de mafieux et de caïds locaux, l’ambiance est irrespirable pour ceux qui rêvent d’un avenir paisible. Pamfir vient de rentrer chez lui après plusieurs mois d’absence, mais la situation reste la même. Sous la carapace de ce géant bigger than life se cache Léonid, un homme plus sensible qu’il n’en a l’air. Sauf que voilà : un jour, Nazar met le feu à la paroisse du village et Pamfir n’a d’autre choix que de reprendre son activité de contrebandier…
Diplômé en architecture et en philosophie, Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk cisèle une esthétique particulièrement dense et maîtrisée, laissant l’impression déroutante que les personnages dansent en permanence avec la caméra. Les panoramiques se déplacent en forme de demi-cercle, comme si Sukholytkyy essayait de les circonscrire pour mieux les embrasser. Les travellings qui circulent entre l’arrière et l’avant terminent de configurer une orbite autour d’eux, formant une pièce d’horlogerie très fine. Le dispositif est pesant mais jamais lourd, ambitieux mais jamais grandiloquent, courant toutefois le risque d’oublier d’ouvrir la fenêtre pour laisser passer un peu d’air. Le pari de Sukholytkky est audacieux, mais il frôle une certaine fascination pour son propre dispositif. 

Pamfir (2022)

Face au destin
Ceci dit, l’émotion et la force du geste finissent par l’emporter. Quand le pouvoir totalitaire tente d’effacer toute forme de dissidence, il est indispensable que les voix plus lucides se réveillent pour pointer l’horreur. Pamfir est un film qui frise la perfection sur ce point-là. Sans se complaire dans le misérabilisme, il fait en sorte d’arriver à une sorte d’espoir. Celui d’avoir la possibilité de tout recommencer. En fait, une des questions principales qui portent le film est la possibilité de prendre un nouvel envol quand le mythe pèse plus que l’humain. Comment vaincre le récit qui nous a été imposé par le poids de la légende et du temps ? Les tentatives de Pamfir pour échapper à son destin sonnent comme un écho à la société ukrainienne qui veut fuir l’horreur, accrochée désespérément à l’idée qu’il serait encore possible de changer le cours de l’histoire. Dans ce sens-là, l’impuissance du personnage de Pamfir n’est pas anodine. De la même manière que pour l’Alain Leroy du Feu follet de Louis Malle, les tourments du monde extérieur finissent par le plonger dans la plus profonde dépression. À un moment donné, Olena, la femme de Léonid, lui demande de se montrer plus humble et d’accepter ce que le destin leur réserve. Ce à quoi il réplique, cinglant, que son grand-père Pamfir avait été calomnié au sein de l’Église en réaction aux icônes qu’il dessinait : « L’humilité ne sert pas à remplir le vide. Où était Dieu quand on avait besoin de lui ? »