PICCOLO CORPO de Laura Samani

La veille de la finale de l’Euro, un frisson transalpin soufflait hier sur la Croisette avant le retour du roi Moretti. Complètement hors du temps, Piccolo Corpo (présenté à la Semaine de la Critique) est parvenu à convaincre.

Une idée fixe. Il ne faut parfois rien de plus pour tracer la trajectoire d’un personnage obstiné et faire tenir dessus un film tout entier. Piccolo Corpo est de ceux-là. Le pitch pose d’emblée la quête mystique et désespérée de son héroïne : « Italie, 1900. Le bébé de la jeune Agata est mort-né et ainsi condamné à errer dans les Limbes. Il existerait un endroit dans les montagnes où son bébé pourrait être ramené à la vie, le temps d’un souffle, pour être baptisé. » Tourné en frioulan, le film de Laura Samani dégage la même sensation de maîtrise, la même absence radicale de compromis qu’une Kelly Reichardt tendance La Dernière piste. Et s’il faut forcer le jeu de la comparaison, il faudrait ajouter que l’on n’a pas vu filmés des personnages féminins comme ça, dans leur rapport à la maternité et à leur propre corps, depuis Portrait de la jeune fille en feu. La jeune Agathe est une force qui va dans un monde rural où il ne fait pas bon voyager seule sur les routes de campagne. Elle est suivie au plus près par une caméra cahotante et fébrile dans des paysages d’automne puis d’hiver somptueux, emprunts de mystère.

La grande force du film, c’est évidemment de croire à son petit miracle jusqu’au bout en restant absolument du côté de son héroïne et de Lynx, celle qui l’accompagne dans sa quête (et qui a foudroyé le public de son regard vert en acier), jusque dans un plan qui parvient à nous redonner la foi en un cinéma qui ose le premier degré jusqu’à la SF, sans jamais se préoccuper du « qu’en dira-t-on ». Par ailleurs, Piccolo Corpo n’est ni « méta », ni grinçant, juste suffisamment costaud pour assumer une forme de sècheresse et ne pas partir sur un braquage émotionnel. Autant de qualités que l’on retrouvait du reste dans un autre film italien d’époque présenté le même jour  : La Légende du roi-crabe à la Quinzaine.