POLY STYRENE: I AM A CLICHÉ de Céleste Bell et Paul Sng

Le FAME, Festival des films sur la musique (à la Gaîté-Lyrique du 16 au 20 février 2022) dégaine une riche fournée de longs métrages et documentaires souvent inédits en France. Et notamment Poly Styrene : I Am a Cliché, qui revient sur le destin d’une punk méconnue, Marianne Elliot-Said, à travers le regard de sa fille, Céleste Bell.

Angleterre, 3 juillet 1976. Des gamins qui savent à peine tenir leurs instruments montent sur scène. John, le chanteur, hurle faux dans un micro qui sature. Mais ça, Marianne Elliot-Said s’en fout, parce qu’aujourd’hui c’est son anniversaire. Elle a 19 ans et se trouve à un concert des Sex Pistols. C’est là qu’est née « Poly Styrene », l’alter-ego punk de cette jeune métisse somali-écossaise, issue d’un quartier populaire et élevée seule par sa mère. Après tout, quand on voit les Pistols sur scène, difficile de ne pas se dire : « Je pourrais le faire, moi aussi ! » Alors, elle l’a fait. Très vite, Marianne devenue Poly monte son propre groupe : X-Ray Spex, puis c’est l’ascension vers une petite gloire… de courte durée. Avec son appareil dentaire et ses fringues extravagantes, elle fait marrer les présentateurs télé, qui ne se rendent pas compte qu’ils sont face à une révolutionnaire : la première femme noire leadeuse d’un groupe de punk, l’anti-conformisme à son paroxysme. Dans le film, les poèmes et journaux intimes de Poly ponctuent le récit, interprété par l’actrice nommée aux Oscars pour son rôle dans Loving (2017), Ruth Negga. Son accent britannique limpide est parfait pour incarner la chanteuse. Et si ce n’est pas un film musical, c’est un film de tonalités : sans jamais les voir à l’écran, les voix de la mère de la mode punk Vivienne Westwood ou encore de la chanteuse des Bikini Kill Kathleen Hanna racontent Poly et son influence sur toute une génération de jeunes femmes qui n’attendaient qu’une chose : se défaire des codes imposés.

Avec Krishna

Dans le docu, c’est sa fille Céleste Bell qui se fait gardienne de la mémoire de sa mère, après son décès en 2011. Poly Styrene: I Am a Cliché n’est pas un film sur le punk. C’est un film sur la mémoire et la filiation. Et même si la musique de Poly berce les séquences, difficile de dire qu’on tient là un biopic sur la chanteuse plus que sur la femme elle-même. Céleste, qui se veut à la fois narratrice, réalisatrice et personnage principal, est au cœur d’un voyage initiatique à la recherche de qui était vraiment sa mère, qui l’a laissée aux soins de sa grand-mère à 8 ans. On la suit aux quatre coins du monde, à la recherche d’un héritage qu’elle a longtemps laissé de côté, attendant plus de cinq ans avant de se décider à trier les affaires de sa mère à sa mort. Il faut dire que la vie de Poly est particulièrement riche en rebondissements, parfois crève-cœur, drôles ou émouvants : victime de racisme dès son plus jeune âge, diagnostiquée bipolaire après avoir eu des hallucinations sur scène, elle rejoint plus tard l’Association internationale pour la conscience de Krishna, considérée comme une secte en France. Pour illustrer ce voyage dans la vie de Marianne-Poly, des images d’archive tranchent avec des plans au drone chiadés et des travellings compensés méticuleux, pas tout à fait dans l’esprit résolument punk de Marianne Elliot-Said. Néanmoins, Céleste Bell et Paul Sng ont su insuffler une âme singulière au documentaire. Et Poly elle-même, en personnage bigger than life, porte le film avec son sourire appareillé, ses poèmes sur l’identité et sa fâcheuse tendance à faire absolument tout ce qu’elle veut. Plus punk que tous les punks.

Retrouvez le détail de la programmation du FAME Festival : https://gaite-lyrique.net/festival/fame-2021