LE DEUXIÈME ACTE de Quentin Dupieux

Présenté en ouverture du 77ème festival de Cannes, le nouveau film de Quentin Dupieux se veut une réflexion gentiment nihiliste sur la vacuité du 7e art. Une comédie méta qui se repose sur son casting de stars et accuse un manque d’inspiration de la part du très (trop ?) prolifique cinéaste. Par Marine Bohin.

Le décor est planté dès les premières images. Après le théâtre de Yannick, la maison de Incroyable mais vrai, le commissariat d’Au poste, c’est le restaurant Le Deuxième Acte, perdu dans la campagne, qui sera le lieu quasi-unique d’une action pour le moins restreinte. En chemin pour ledit restaurant, David (Louis Garrel) tente d’expliquer à son ami Willy qu’il refuse de coucher avec Florence malgré le fait qu’elle le poursuive de ses assiduités. Il aimerait que son pote s’en charge à sa place, car c’est bien connu, les femmes se refilent aussi aisément que les MST. Willy (Raphaël Quenard) ne serait pas contre l’idée de dépanner son ami, mais il s’inquiète que Florence puisse être une femme transgenre, avant que Louis Garrel ne lui intime de surveiller ses paroles, car « on les regarde », dit-il en montrant la caméra. S’ensuit un dialogue où les deux hommes brisent le quatrième mur tout en se plaignant de la cancel culture, un pénible incipit en forme d’ « on ne peut plus rien dire » qui fait craindre le pire. Dans la foulée, Lindon s’interroge avec véhémence sur l’utilité du cinéma dans un monde en ruines, face à une Léa Seydoux qui défend le fait de continuer à jouer coûte-que-coûte.

Insolence Artificielle

On entre alors de plain-pied dans la comédie méta : troll en chef du cinéma français, Dupieux pousse un peu plus les curseurs de l’absurde sans toutefois nous embarquer totalement. En usant de la moquerie facile à l’encontre d’un cinéma prétendument nombriliste et répétitif, il opte pour un ton qui se voudrait plus populaire que dans ses précédentes œuvres mais flirte avec la démagogie, interrogeant sur la capacité du cinéma à nous faire encore rêver, taclant le recours à l’I.A avec une insolence tout aussi artificielle. Un métrage de 1h20 à peine : comme souvent chez Dupieux, célérité fait loi. Et pourtant, on finit par trouver le temps long.Le Deuxième acte s’affirme comme entre-soi cabotin façon Blier qui peine à dépasser la farce un peu balourde ; il faudra justement attendre le deuxième acte du film pour qu’il devienne plus jouissif que poussif, et que le spectateur commence à s’amuser autant que les acteurs. Dupieux nous propose un 13e film dépouillé, composé de nombreuses scènes sans montage ni musique et reposant principalement sur ses comédiens. Plus on avance vers son issue et plus on glisse vers une mise en abime teintée de surréalisme, une noirceur bienvenue, jusqu’au très long plan final sur les rails du travelling utilisé sur le tournage, travelling qui n’est alors plus une question de morale mais de poésie pure. Car après tout, « ça n’a jamais servi à rien de faire des films, comme le dit Florence. C’est pour ça que c’est cool le cinéma, parce que ça sert à rien ». CQFD.

Le Deuxième acte (Hors compétition), en salles le mercredi 15 mai.